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On nous laisse la triste alternative de choisir entre l’esclavage productif et la liberté improductive. – Annah Arendt, 1961.1
En 2015, le chômage demeurait l’une des principales préoccupations des Suisses (56%), principalement en Romandie et chez les jeunes2. Pourtant, peu d’interrogés craignent des baisses de salaires (10%), des hausses des prix à la consommation (11%) ou une «nouvelle pauvreté» (15%).
La raison de la peur panique de perdre leur salaire provient de l’aliénation des travailleurs convaincus, à tort, que la seule richesse qui leur est accessible provient de leur employeur et qu’en en étant privés, ils en seraient à jamais dépossédés. C’est la même panique que celle de ces esclaves qui préfèrent être exploités par leurs maîtres que de s’en libérer. Mais les esclaves du capitalisme, se croyant libres, ont oublié ce qu’est la liberté.
Cette peur est d’autant plus absurde que les pays nantis regorgent des richesses essentielles à la vie de tout un chacun. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le contenu des bennes des déchetteries regorgeant de tout ce qui nous est nécessaire. D’observer les camions de débarras qui déversent quotidiennement leurs mannes à Emmaüs, au Centre Social Protestant, à l’Armée du Salut, etc. On y trouve des cargaisons de vêtements, meubles, jeux d’enfant, outillage, appareils ménagers et électroniques. Il suffit encore d’aller espionner, après les fermetures des Migros, Coop ou Denner, le déversement d’aliments «propres à la consommation» et qui sont voués à être incinérés.
L’angoisse de ne plus être exploité est d’autant plus absurde que le taux de chômage en Suisse est stable depuis dix ans à 3,5%. Elle est mauvaise conseillère, car les personnes en âge de travailler devraient se préparer à voir une forte chute de la production en Suisse due aux délocalisations, à la baisse de la consommation et à celle de l’embauche due à l’automatisation du travail3.
N’en déplaise aux accros du travail contraint, la décroissance c’est aussi cela et ils ne devraient que s’en réjouir. Chômeurs consentants, ils pourront enfin affronter les problèmes urgents qui affectent leurs semblables en les tirant d’un siècle de productivisme destructeur, de pollutions à répétition, de prédations des ressources vitales, de gaspillages effrénés et de cette violence qu’engendrent compétitions et rivalités marchandes…
Alors, les prolétaires étant libérés de leur joug, les capitalistes qui le seront de leur corvée de devoir les embaucher pour amasser des profits, pourront enfin penser à les partager avec leurs semblables.
François Iselin, architecte, membre du comité rédactionnel de l’essor, Epalinges