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Théo Buss a eu un parcours exceptionnel: pasteur de paroisse (notamment au Locle), engagement en Bolivie (on lui doit notamment le livre «La Bolivie sous le couperet»), attaché de presse au service du Conseil Œcuménique des Eglises, secrétaire romand de Pain pour le prochain. Il a été de tous les combats en faveur de la paix et du respect des Droits de l’Homme. Actuellement, il œuvre au Nicaragua. Lié d’amitié avec lui depuis 36 ans, je l’ai rencontré à l’occasion d’un bref séjour en Suisse. Voulant «coller» avec l’actualité de l’Essor, je lui ai évidemment demandé si on pouvait également parler de démagogie au Nicaragua. J’espère avoir fidèlement retranscrit ses propos. (RCy)
Il y a deux sortes de démagogues dans ce pays: ceux de gauche et ceux de droite. Les démagogues de gauche sont les Sandinistes du courant historique, Daniel Ortega en tête, avec leur phraséologie anti-étasunienne. Les mêmes députés peuvent faire un discours contre Bush, sa politique et son système économique et ensuite approuver en catimini le traité de libre-échange de l’Amérique Centrale.
Les démagogues de droite, comme par exemple le président Enrique Bolaños, prétendent faire le bien du peuple sous prétexte que le système néolibéral amène le bien-être pour tous. En réalité, ils se soumettent docilement au diktat du FMI. Exemple: pendant 6 mois, le personnel de la santé du Nicaragua a fait une grève prolongée, dure et meurtrière. Plus de 100 patients sont morts faute de soins. Au fond, le gouvernement n’entrait pas en négociations parce qu’il obtempérait aux ordres du FMI. Celui-ci fait pression pour obtenir la modification de la Constitution et de certains articles de lois pour empêcher que les salaires du secteur public – principalement santé et éducation – augmentent. Le but de cette manœuvre est de maintenir très bas les salaires du secteur public pour éviter l’effet d’entraînement sur les salaires du secteur privé. Or, quand on sait que les maquilas (usines de sous-traitance) paient les ouvrières nicaraguayennes moins que les entreprises chinoises, on mesure la monstruosité de la manipulation.
Une des conséquences du système néolibéral prôné et appliqué par les 3 derniers présidents du Nicaragua (Violeta Chamorro, Arnaldo Alemān, Enrique Bolaños) a été la privatisation du système de distribution d’électricité qui a été vendu à une multinationale espagnole, Uniōn Fenosa. Celle-ci, au lieu de réinvestir ses bénéfices comme cela est prévu par les contrats bilatéraux, les rapatrie en Espagne. Paradoxe scandaleux: en 2005, les 3 directeurs de Fenosa encaissent un revenu 47 fois supérieur à celui de l’année précédente (5 millions d’euros) et les 20 membres du conseil d’administration reçoivent 27% de plus (8 millions d’euros). Pendant ce temps, l’entreprise se plaint au Nicaragua de manque de liquidités et ne remplit pas les conditions pourtant fixées par l’accord: renouvellement des cadres, maintien des centrales électriques, création de nouvelles sources d’énergie. Conséquence: de multiples coupures de courant, totalement arbitraires, qui perturbent gravement le fonctionnement de l’économie du pays (industrie, commerce, etc.).
La société civile au Nicaragua est encore faible. Une des raisons principales de cette faiblesse est la déconvenue du peuple avec la corruption du Front sandiniste de libération nationale (FSLN). On observe cependant une mobilisation croissante d’ONG et de syndicats avec le mouvement social mondial (Porto Allegre).