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Depuis son échec cuisant sur l’achat de nouveaux avions de combat en votation populaire et sa cure de minceur – de quelques kilos seulement – imposée par le Parlement, l’armée attaque pour ne plus être attaquée. Son ennemi: le service civil. Ses tirs sont nourris contre cette institution utile à la collectivité, simplement parce que le service civil est l’incarnation de la critique de l’armée. Les jeunes hommes qui l’accomplissent ne sont pas ceux qui, par gain de paix, s’orientent vers la voie bleue pour ne pas devoir s’acquitter d’un service militaire dont ils ne voient pas le sens ou qui s’inscrit mal dans leurs parcours de vie. Au contraire, ce sont ceux qui clament leur objection par les faits en effectuant une durée de service une fois et demi plus longue. Une remise en question retentissante de la grande muette.
Depuis que l’armée a perdu devant la population dans l’épisode des Gripen, elle s’attelle à faire remonter sa cote de popularité. Pour éviter que l’on ne parle trop de ce qu’elle fait et des milliards qu’elle reçoit, elle oriente le débat public vers les civilistes. Selon elle, ils mettent en danger sa viabilité et, partant (et toujours selon elle), la sécurité de la Suisse. Il n’y a pas une interview des deux Vaudois en charge du Département de la protection de la population et de l’armée, MM. Parmelin et Rebord, où il n’est pas question de ces «dangereux objecteurs». Quelle façon commode de détourner le débat en contournant les questions sur la gestion de l’armée, dont les écarts font régulièrement les titres des médias. Pour de nombreux politiciens, casques à boulons conservateurs, il est donc grand temps de mettre à bas le service civil dont le succès révèle en creux le scepticisme vis-à-vis de l’armée.
Service civil, l’histoire d’un succès
Dix pourcent, c’est l’augmentation du nombre d’admissions au service civil en 2017 par rapport à l’année précédente. 1,8 million de jours ont donc été réalisés, en particulier dans les domaines prioritaires que sont la santé, le social ou l’environnement. Mis bout à bout, cela représente plus de 4900 années offertes à la société par les jeunes Suisses, alors que le vieillissement de la population ou la conciliation entre vies de famille et professionnelle posent des défis auxquels l’économie ne parvient pas à répondre.
Les jeunes qui s’engagent interviennent, comme le stipule la loi, «dans les domaines où les ressources sont insuffisantes et absentes, pour remplir des tâches importantes de la collectivité». Ainsi, plus de 5000 institutions proposent des affectations de service civil.
Pourtant, on pénalise les civilistes. Ils effectuent aujourd’hui déjà un service 1,5 fois plus long que le service militaire. Cette injustice était le prix à payer pour supprimer l’arbitraire et rétrograde examen de conscience. Mais comme le rappelle le rapport du groupe de travail consacré au système de l’obligation de servir commandé par le Conseil fédéral, «le service civil n’est pas une punition, mais un droit octroyé au citoyen par la Constitution fédérale». La Commission des droits de l’homme des Nations Unies recommande ainsi que la durée du service civil soit égale à celle du service militaire. Une recommandation jamais mise en œuvre par la Suisse.
Le Conseil fédéral attaque le service civil
A rebours du bon sens et en dépit de l’intérêt public, c’est la voie contraire qui est prise par le Conseil fédéral. Celui-ci vient en effet d’adopter un projet de révision de la loi sur le service civil pour punir encore davantage les civilistes. Nos autorités veulent faire diminuer les admissions au service civil, avec pour conséquence, comme elles l’annoncent dans leur rapport, que «les établissements d’affectation du service civil seront touchés en particulier dans les domaines d’activité où les ressources nécessaires à l’accomplissement de tâches de la communauté sont insuffisantes ou absentes.» Autrement dit, moins de soutien dans les hôpitaux, dans les maisons de retraite ou sur les alpages. Et le Conseil fédéral de rêver à une augmentation des effectifs de l’armée, alors qu’on peut s’attendre à une attractivité accrue de la voie bleue (inaptitude partielle ou complète), qui a déjà bien plus de succès que le service civil.
Ces nouvelles discriminations ciblent principalement les jeunes qui s’engagent dans le service civil après avoir accompli leur école de recrue. Toutes ces personnes se verront sanctionnées par une augmentation supplémentaire des jours de service, avec une durée de service pouvant aller jusqu’à 8 fois celle des militaires. Elles devront également attendre une année entière avant de pouvoir rejoindre le service de remplacement, période durant laquelle elles seront contraintes d’accomplir leurs obligations militaires, malgré leur conflit de conscience.
Avec ces propositions, le Conseil fédéral piétine les droits fondamentaux. Rappelons que le Conseil des droits de l’homme a sévèrement semoncé la Russie pour une durée de service civil 1,8 fois plus longue que celle de l’armée. En créant des inégalités massives entre les personnes astreintes et en remettant en question le droit à un service civil de remplacement dans le cadre d’une objection de conscience, le Conseil fédéral bafoue aussi notre Constitution.
La fédération suisse du service civil CIVIVA est farouchement opposée à cette révision qui constitue une discrimination supplémentaire pour les objecteurs de conscience et qui méprise l’apport des civilistes pour notre collectivité. Si le Conseil fédéral et le parlement vont jusqu’au bout de leur délire, CIVIVA lancera un référendum, avec le soutien de nombreuses institutions qui bénéficient du service civil. L’année 2019 ne s’annonce pas militaire, mais militante!
Lisa Mazzone
Conseillère nationale, les Verts