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À l’instar de la Grande Bretagne dont Israël s’est beaucoup inspiré, jusqu’à en adopter les mêmes désignations de partis (Travaillistes – Conservateurs), l’État israélien n’a pas de constitution. De sorte que le parlement (la Knesset) est appelé à voter, ou pas, certains textes législatifs que leurs initiateurs qualifient de «lois fondamentales». C’est le cas de cette dernière loi, dite fondamentale, qui fait d’Israël un Etat où la religion juive garantit l’entière citoyenneté à l’exclusion de toutes les autres religions. Autrement dit, le citoyen musulman ou chrétien de nationalité israélienne ne jouira pas des mêmes droits que le citoyen juif israélien.
Les sionistes des premières heures doivent se retourner dans leurs tombes, eux qui, venant en grande partie de contrées communistes, n’avaient pas imaginé un seul instant que ce pays moderne (1948) tomberait un jour sous l’emprise de fanatiques et fondamentalistes religieux. Un argument, particulièrement pervers vient appuyer l’adoption d’une telle loi: alors même que l’on disait, – il n’y a pas si longtemps – qu’Israël était la seule démocratie du Proche-Orient, entourée par des pays aux régimes aussi divers que peu démocratiques, Israël devient maintenant exactement symétrique aux pays auparavant critiqués et combattus. Ce n’est pas la moindre des contradictions favorisant cette adoption. L’ambiance «sécuritaire» que l’actuel gouvernement s’ingénie à entretenir en usant de tous les moyens à sa disposition a évidemment permis à M. Netanyahou, – un premier ministre dont les proches pourraient être poursuivis par la justice pour faits de corruptions diverses et variées –, de sauter sur cette trop belle occasion et d’enfoncer le clou.
Mais que dit donc exactement cette loi? Elle définit Israël comme «foyer national du peuple juif». De plus, cette loi précise, entre autres choses, que: «Seuls les Juifs disposent d’un droit à l’autodétermination dans l’État d’Israël». Cette seule précision suffirait, dans une démocratie laïque, à passer une telle loi par pertes et profits. Mais vient ensuite un article des plus scandaleux, établissant le statut de Jérusalem: «La loi définit Jérusalem comme étant la capitale complète, une et réunifiée d’Israël». Alors même qu’au moment du partage de la Palestine, il était entendu que Jérusalem devait avoir de préférence un statut international. Il va sans dire que la communauté internationale admet depuis des décennies que le statut de Jérusalem qui abrite les lieux saints des trois grandes religions monothéistes (c’est le même Dieu pour les trois) ne pourra être établi qu’au terme de négociations finales de paix entre Palestiniens et Israéliens.
C’est ainsi que le gouvernement Netanyahou tente depuis des années de bloquer toute perspective de paix en avançant, petit à petit, par le biais de lois plus ou moins scélérates et parfaitement contradictoires avec le droit international. Murs, colonies et lois fondamentales, Israël, fort du droit onusien de veto américain, s’affranchit lentement, mais sûrement de toutes contraintes, tant diplomatiques que légales, qu’impliquent les relations internationales de bon voisinage. En un mot comme en cent, Israël vient de réinventer une sorte d’apartheid à l’israélienne. Sous le prétexte sécuritaire, Israël «fabrique» de toutes pièces des citoyens de seconde catégorie et augmente le pouvoir des religieux, c’est-à-dire le Grand Rabbinat d’Israël, au niveau des lois civiles qui régissent déjà tout ce qui concerne la famille, le mariage, le divorce, et fait des synagogues le lieu des pouvoirs civils.
Monsieur Netanyahou nous prend pour des imbéciles. Nous avons bien compris que ce n’est pas la paix qu’il veut. Ce que visent Netanyahou et son gouvernement, tout comme celles et ceux qui le soutiennent, ce n’est rien moins que la «disparition» du problème palestinien par la lente mais permanente exaspération des Palestiniens, en leur imposant mille tracasseries kafkaïennes, en leur interdisant à peu près tout, en contrôlant à peu près tout; on a d’ailleurs récemment appris que même le courrier à destination de la Cisjordanie avait été bloqué pendant huit ans, pour une prétendue question de sécurité. Humiliations, tracasseries, répressions se poursuivront jusqu’à ce qu’ils s’en aillent, n’importe où, mais qu’ils s’en aillent. Ce sont là des méthodes indignes d’Israël et surtout en totale contradiction avec «l’éthique» juive. Ajoutons que quand un territoire nous est donné après 2000 ans d’exode, ne devrions-nous pas faire preuve de l’élémentaire élégance de le partager respectueusement avec celles et ceux qui n’en sont jamais partis?
L’application de cette loi fondamentale pourrait mettre le feu à la région, et plus particulièrement au sein de l’Etat d’Israël. C’est l’art et la manière de monter une partie de la population contre l’autre. Car il s’agit là de citoyens israéliens à part entière. Si les Arabes israéliens se révoltent contre cette loi discriminatoire, cela ne pourra pas s’appeler une «intifada», mais une guerre civile. La gauche israélienne se réveille doucement de sa longue léthargie, elle manifeste aux côtés des Druzes, soutient les Arabes israéliens, d’ailleurs, on a pu voir des photos des manifestations où les drapeaux se mélangent, unis pour la demande immédiate de la suppression de cette loi qui éloigne de la démocratie les habitants de ce pays.
Cet abus de pouvoir octroyé aux religieux est en train de fracturer la fragile cohabitation entre les laïcs et ceux-ci. On peut donc se poser la question suivante: que cherche le gouvernement actuel? Un nouveau Massada? Par ses agissements irréfléchis, s’agirait-il d’un gouvernement suicidaire? Après 70 ans de relations conflictuelles avec ses voisins, est-ce qu’Israël peut se payer le luxe de basculer dans une guerre fratricide?
Au lieu de s’aligner sur les pays avoisinants, il serait préférable pour le bien de toute sa population qu’Israël apprenne à appréhender la laïcité et renvoyer de ce fait les rabbins dans leurs synagogues. Ces gens-là n’ont rien à faire au sein d’un gouvernement, fût-il de droite ou de gauche.
Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux.
– Benjamin Franklin
Emilie Salamin-Amar et Marc Gabriel