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On connaissait Roméo et Juliette, les amants de Vérone. Grâce à François Hainard, on connaît maintenant Antonio et Jeannette, les amants de La Brévine. Contrairement à la tragédie de Shakespeare, la trame de l’histoire racontée est vraie et se passe à la fin de la Deuxième Guerre mondiale dans le village de La Brévine, qu’on surnomme «La Sibérie suisse» (à cause de son record de froid de -41,7o). Jeannette, aide-ménagère, et Antonio, ouvrier boulanger, ont 15 et 22 ans. Elle, qui habite une communauté rurale de l’Arc jurassien, est francophone et protestante; lui, qui vient d’une vallée latérale du Tessin, est italophone et catholique.
Dans un style sobre qui restitue bien le climat du drame, l’auteur souligne le poids écrasant des valeurs religieuses dans les microcosmes campagnards et villageois, le repli sur soi des personnes, le rejet de celui qui vient d’ailleurs, la difficile communication entre les générations et la rigidité des milieux sociaux. Le roman rapporte surtout les non-dits, les silences contraints et lourds, les enfermements.
Antonio et Jeannette avaient la naïveté de leur jeunesse, leur méconnaissance de la sexualité et de ses conséquences. Aussi, lorsque la jeune fille tomba enceinte, le couple se trouva pris dans un piège infernal. Fallait-il fuir? Mais où aller alors que la guerre se déroulait à quelques kilomètres? La seule solution pour échapper à la réprobation de tout le village sera dramatique.
Le dernier chapitre et les dernières paroles de Jeannette sont émouvantes. Nous les tairons pour laisser le lecteur les découvrir lui-même.
D’avril 1944 à février 1945, François Hainard consacre au début de chaque chapitre quelques lignes pour expliquer où en est la guerre, le recul des troupes allemandes et leur proche capitulation. Ce rappel accentue le caractère dramatique du roman. Il reste à souhaiter que l’auteur, dont c’était le premier ouvrage (il vient de prendre sa retraite de professeur à l’Université de Neuchâtel), continuera à se livrer à l’écriture.
Ce livre doit nous faire réfléchir. La rivalité de l’époque entre protestants et catholiques se retrouve aujourd’hui entre chrétiens et musulmans. Et celui qui vient d’ailleurs (le réfugié notamment) est toujours rejeté par une partie de la communauté.