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Sur cette question, délicate à beaucoup d'égards, arrêtons-nous une seconde sur notre petit pays avec ses caractéristiques particulières. Il est assez impressionnant de se rappeler qu'après avoir été terre d'émigration, l'accélération nous a menés à environ 5 millions en 1950, 6 en 1965, 7 en 1995 et 8 ces temps-ci… Plus globalement, durant la même période, à l'exception de la Chine, la population mondiale s'est multipliée, grâce aussi à un meilleur accès à l'eau, aux soins médicaux et au développement industriel en général.
Aujourd'hui, dans les pays occidentaux, la natalité est plutôt stationnaire, ou même en diminution: c'est la migration internationale qui explique une bonne partie de cette augmentation. Tout cela au bénéfice de notre système économique, social et industriel; n'oublions pas que sans les têtes douées de compétences rares, ou les nombreuses «petites mains» qui font tourner la boutique, notre situation de privilégiés ne serait pas au niveau actuel: n'en déplaise aux xénophobes et aux écologistes dogmatiques. Les travaux difficiles, pénibles sont systématiquement délégués, à moins fortunés que soi…
Alors, qu'en penser? Commençant enfin à prendre en considération les limites de notre planète, de ses sources énergétiques, nutritionnelles et territoriales, il n'est pas inutile d'y réfléchir. Trouver des lignes directrices pour calmer cette augmentation semblerait judicieux, sachant toutefois qu'on pourrait nourrir 12 milliards de personnes déjà aujourd'hui. Mais il faudrait gérer plus intelligemment les terres cultivables et les rendre à ceux qui les connaissent, dans de petites entités selon les principes de la durabilité, l'indépendance des semences, une réduction draconienne des poisons phytosanitaires. Les achats massifs de terres cultivables, les monumentales surfaces consacrées à la monoculture sont une aberration et devraient être stoppés net. D'autres méthodes de mise en valeur, appropriées à chaque zone, devraient être encouragées avec l'adhésion des populations locales. Un retour de balancier de la ville vers la campagne serait un bienfait. Le soutien à une agriculture raisonnable, variée, orientée prioritairement sur l'approvisionnement régional serait une des conditions indispensables pour un véritable changement.
D'autre part, il a été observé depuis longtemps que dès que les femmes peuvent accéder à une formation, même modeste, pratiquement immédiatement le taux de natalité diminue. Par contre, en laissant de grandes poches d'exclusion dans les régions périphériques, l'exode rural vers les villes était programmé. Il est à noter que le désintérêt affiché par les gouvernances pour le monde agricole a poussé de larges couches de population sur les routes de l'exil.
Maintenant, il n'est pas question d'interdire à qui que ce soit de faire des enfants, mais plutôt d'apporter aux femmes des conditions propices à la liberté de choix. Il est indéniable que la mise en place de systèmes de protection sociale généralisée faciliterait le changement de tendance.
N'oublions pas que beaucoup de pays en développement subissent depuis des décennies les fourches caudines du système bancaire, Banque Mondiale, FMI et consorts (dont nous étions en grande partie les initiateurs pour notre plus grand bénéfice), diktats qui maintenant sont appliqués à l'Occident. La situation de la Grèce est révélatrice à cet égard. La misère dictée par des directives bancaires prédatrices et des bourgeoisies corrompues ont largement contribué au déséquilibre aujourd'hui flagrant.
Il faut se rappeler que la grande majorité des personnes qui prennent la route de la migration le font forcées et contraintes pour de multiples raisons. Le pouvoir d'attraction du mode de vie occidental ne peut que susciter envies et espoirs, même si la réalité est terriblement différente et douloureuse pour les autochtones comme pour eux. Rien ne nous oblige d'ailleurs à la leur rendre encore plus infernale, l'attraction venant principalement du confort effectif et de l'image véhiculée par les médias. Pratiquement aucun migrant ne raconte à ses proches au pays le calvaire qu'il vit chez nous. Aussi, la multiplication des mesures de contraintes, de pressions psychologiques qui semblent avoir la préférence de nos autorités à leur égard, n'ont strictement aucune utilité, ne font qu'augmenter la souffrance et piétine la plus élémentaire application de la Constitution et de nos valeurs humanitaires. Notre âme et notre réputation sont salis et ces méthodes nous font honte.
Les difficultés engendrées par l'augmentation démographique ne se régleront pas par des diktats xénophobes ou écologiques. En instaurant des conditions de protections sociales, de préservations des petites entités productrices, en limitant la capacité de nuisance des mastodontes bancaires, énergétiques, agricoles et chimiques, il est possible de nourrir et loger tout le monde. Aussi, les solutions proposées actuellement ressemblent surtout à des chevaux de Troie à tendance dictatoriale, instaurant des camps retranchés, des mises à l'écart, sans remise en question des causes premières.