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Illustrant d'habitude une mésentente ou un conflit latent, cette expression utilisée comme titre sied bien au conflit explosif qui oppose de plus en plus les habitants des États-Unis et d'Europe voisine (et bientôt de Suisse ?) aux compagnies gazières qui prospectent près de chez eux. A condition d'inverser les termes: du gaz dans l'eau, littéralement… et pas qu'un peu !
C'était l'an dernier l'une des images choc du documentaire Gasland de Josh Fox (bande-annonce). En Pennsylvanie, Fox a porté sa caméra chez des citoyens, distants voisins des concessions d'extraction de gaz de schiste. Ces résidents, en approchant simplement la flamme d'un briquet de l'eau «potable» coulant de leur robinet de cuisine, provoquaient des explosions à s'en roussir les sourcils.
Magie? Que nenni. À l'époque du pétrole abondant, n'importe quel Américain un peu chanceux (et Texan de préférence) piochait son jardin le matin, y voyait surgir un geyser d'or noir à midi, et se retrouvait riche à la fin de la semaine! Caricature, certes… mais d'une époque révolue. Forer la terre pour y puiser pétrole et gaz naturel dans d'immenses poches liquides ne suffit plus, on vise désormais à extraire le gaz emprisonné à même la roche.
Comme nous l'explique Betty Lafon dans Science et Avenir (n° 767), le gaz de schiste est le méthane résiduel resté dans la roche mère après la formation d'un réservoir de pétrole, gaz et charbon. Il n'était pas exploité avant les années 2000: trop diffus et trop difficile à extraire. Deux techniques permettent de le faire aujourd'hui: le forage horizontal qui consiste à creuser, verticalement puis horizontalement dans la couche de schiste, et la fracturation hydraulique. On injecte dans la roche de l'eau sous pression et des additifs chimiques pour y créer des fractures. Grâce au sable ajouté au mélange, on maintient ces fractures ouvertes. La pression de l'eau fait alors remonter en surface, au travers du sable injecté, le gaz libéré.
Et voilà comment du gaz se retrouve ici en vedette (américaine ?) dans notre forum sur l'eau. C'est que la fracturation de la roche en nécessite une quantité astronomique. De 10'000 à 30'000 m3 d'eau pour chaque segment horizontal foré. En principe, toute cette eau injectée devrait impérativement être récupérée… et traitée; elle contient des sels toxiques, ainsi que des substances radioactives et cancérigènes. Mais évidemment, elle n'en fait qu'à sa tête, préférant souvent fuir par la première faille venue, ou se mélanger aux nappes phréatiques plutôt que de remonter docilement.
En France et en Suisse –pour le moment– nous n'en sommes encore qu'à la «prospection», notamment à Noville, en Valais, sous la houlette de l'entreprise suisse Petrovibris. Celle-ci promet d'appliquer des méthodes séparant complètement les eaux injectées des couches intermédiaires traversées. Quand bien même, ça ne réglerait qu'une partie du problème. L'eau récupérée n'est pas non plus inoffensive. Elle doit être acheminée (par camion svp!) vers des stations d'épuration. Or celles-ci sont parfois mal équipées, sous-dimensionnées… ou tout simplement inadéquates pour filtrer certains composants. Et ça devient alors le problème de l'État…
Les chercheurs américains ont publié une étude qui évalue l'impact de l'exploitation des gaz de schiste sur la qualité de l'eau potable. L'équipe de Robert Jackson, de la Duke University, a constaté que dans les puits situés à un kilomètre ou moins de ces forages «non conventionnels», l'eau contient en moyenne 17 fois plus de méthane qu'elle ne le devrait. On dit bien en moyenne; pour certains puits, c'est plusieurs dizaines de fois plus. Pour d'autres, la région contaminée est beaucoup plus vaste.
Et voilà comment l'habitant du coin n'a plus besoin de sa cuisinière électrique pour se cuire une soupe. Il lui suffit d'y mettre le feu: elle se réchauffera toute seule!
Par manque de place, nous ne parlerons pas ici des séismes que cette méthode provoque, ni du «bilan carbone» globalement catastrophique de cette agressive industrie d'extraction (plus de détails sur notre site web).
Est-ce une légende ? Un chef indien aurait dit ceci aux aventuriers qui massacraient les bisons: « Lorsque vous aurez coupé le dernier arbre, pêché le dernier poisson et massacré le dernier bison que porte notre mère la Terre, vous vous apercevrez que vous ne pouvez pas manger vos dollars. Mais il sera trop tard ». Peut-être ajouterait-il aujourd'hui: « … et quand vos machines auront bu tout l'or noir de la terre, vous ne pourrez plus non plus boire son eau ».