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Décembre 2011
Le printemps arabe, un espoir pour la Palestine ?
Auteur : Pierrette Iselin

Après les événements du 11 septembre 2001, l'ancien président Bush vouait une aversion totale à tout ce qui était arabe et musulman qui représentaient le terrorisme et une menace contre la civilisation judéo-chrétienne. Il avait ainsi décrété la «guerre du bien contre le mal».

Le printemps arabe a balayé ces prises de position racistes. Les révoltes ont frappé toutes les formes de régime. Les aspirations à la liberté, le refus de l'étouffement, l'opposition à une classe dominante qui a accaparé toutes les richesses soulèvent des lames de fond dans toute une série de pays du monde arabe.

Moubarak, ancien président d'Egypte, avait conforté son pouvoir en alliance avec les Etats-Unis qui ont formé et équipé l'armée égyptienne. Il était, avec Israël, le gendarme de la région en participant au blocus de Gaza.

Historiquement, la stratégie israélienne consiste à nier l'existence du peuple palestinien. Dans ce dessein, elle s'appuyait largement auprès des dirigeants arabes qui étaient ses complices pour écraser toute forme de résistance et de rébellion.

Face à cette répression, le peuple palestinien n'a pas pu compter sur le soutien du monde arabe. Le mouvement sioniste, dès son arrivée, s'est comporté dans la région comme si la Palestine était une terre sans peuple. En 1930, par exemple, quand un mouvement national émerge en Palestine, les sionistes se sont trouvé un allié avec la dynastie hachémite pour se partager le pays, qui est devenu la future Jordanie. Dans la guerre de 1948, chaque armée arabe s'est battue pour ses propres intérêts nationaux et pas pour les Palestiniens. Les réfugiés ont été très mal accueillis dans les «pays frères», en particulier au Liban. La stratégie israélienne de nier la Palestine en s'appuyant sur les gouvernements arabes complices s'est prolongée pendant très longtemps.

Résistance du peuple palestinien, force de la société civile

Les Palestiniens ont tiré des leçons de cette histoire douloureuse. Ils s'accrochent à leur terre, même quand celle-ci est détruite. Leur but est de réussir à vivre, à produire, à s'organiser malgré l'occupation. Ils ont créé de nombreuses associations et syndicats, entre autres, le PARC (Palestinian Agricultural Relief Commitees) qui développe des réseaux de solidarité entre paysans pauvres et la population sans ressources, de même le PCHR (Centre palestinien pour les Droits de l'Homme) qui dénonce jour par jour les violations faites aux droits du peuple palestinien. Les associations de femmes sont aussi très présentes sur le terrain et jouent un rôle déterminant, suppléant aux hommes qui la plupart du temps ont été licenciés et ont perdu leurs moyens d'existence. Dans les camps de réfugiés, la population, avec l'aide de l'UNRWA (Office des réfugiés de l'ONU) a su créer elle-même les logements des habitants, des centres sociaux et des associations de défense.

La résistance en Palestine est aujourd'hui essentiellement non-violente. Elle a fondé des comités populaires unitaires qui luttent contre les destructions de maisons et de quartiers, le tracé du Mur, les confiscations de terre et les arrachages d'oliviers.

Bil'in est un village en Palestine qui veut continuer à exister, en luttant pour sauvegarder sa terre, ses oliviers, ses ressources, sa liberté. En annexant près de 60% des terres de Bil'in, l'Etat d'Israël étouffe le village, le détruit chaque jour un peu plus, emmurant ses habitants dans une prison à ciel ouvert. Soutenus par des militants israéliens et internationaux, les habitants de Bil'in manifestent tous les vendredis devant le Mur et tous les vendredis, ils subissent comme seule réponse la violence de l'armée israélienne1.

Une vingtaine d'autres villages encouragés par la résistance de Bil'in ont suivi l'exemple: la résistance non-violente n'est pas nouvelle en Palestine, mais Bil'in a su, grâce à l'originalité de sa lutte, et au soutien des activistes israéliens et internationaux, médiatiser l'injustice de l'occupation.

Tous les ans une conférence internationale est organisée à Bil'in pour dénoncer la politique israélienne. Elle a été honorée de la participation de personnalités de premier plan et surtout elle permet à des forces politiques, syndicales, culturelles de tous pays d'exprimer leur solidarité envers la lutte du peuple palestinien pour ses droits. En avril 2011, dans sa résolution finale, elle déclarait: « à l'heure où les soulèvements dans les pays arabes ont montré la puissance des révoltes civiles populaires, le CNPJPI (Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens) qui reconnaît pleinement la légitimité de la résistance palestinienne, tient à apporter à tous les comités populaires de lutte non-violente et à l'ensemble des luttes du peuple palestinien son soutien pratique et politique » (6e conférence internationale à Bil'in, avril 2011).

Dans la bande de Gaza, la résistance, malgré le blocus ignoble imposé par Israël, ne faiblit pas. Malgré l'opération plomb durci de 2008-2009 qui a fait plus de mille morts, le peuple de Gaza est toujours debout 2.

Appel au boycott

En 2005, 172 associations palestiniennes ont initié l'appel international au BDS (boycott, désinvestissements, sanctions) de l'Etat d'Israël. Il s'agit de s'en prendre à l'Etat d'Israël sur tous les plans, économique, politique, académique, culturel, sportif, tant que dureront l'occupation, la colonisation, l'apartheid et l'exil des réfugiés. Cet appel remporte déjà d'importants succès au niveau international et les dirigeants israéliens sont très préoccupés par la dégradation de leur image qui en résulte. (www.bds-info.ch/)

Nouveaux bouleversements régionaux

L'OLP, puis l'Autorité palestinienne, ont copié les régimes arabes environnants, y compris dans leurs pires excès: Mahmoud Abbas a été le dernier dirigeant politique à soutenir ouvertement Hosni Moubarak et déployait toute son admiration pour Zine al-Bedine Ben Ali, l'ex-dirigeant tunisien.

Aujourd'hui, ces directions apparaissent de plus en plus en décalage avec les nouvelles générations politiques émergentes et les revendications d'indépendance et de souverainetés économique et politique réelles qui bouleversent la région.

À la lumière des récents événements, la société palestinienne n'est pas épargnée par le vent de révolte qui balaie les sociétés arabes. Malgré l'occupation, on va assister à des recompositions politiques, des formes de dépassement ou contournement des organisations «traditionnelles» du mouvement national, et une reformulation de la stratégie et du projet. On peut aussi espérer une nouvelle solidarité des peuples arabes contre l'occupation israélienne. Cela permettrait au peuple palestinien de sortir de son isolement.

 En Israël, par contre, ces révoltes font peur

Interrogé au moment de la chute de Moubarak, l'ancien ambassadeur d'Israël au Caire Zvi Mazel a considéré les révolutions arabes comme une «catastrophe pour les Juifs». L'idée dominante en Israël est que la démocratie dans le monde arabe est un danger sur tous les plans. Pour y faire face, Netanyahou agite la menace d'une «attaque préventive» contre l'Iran… Ce qui fait dire à Michel Warschawski3: «Arrêtez-les, ils sont fous et dangereux». La politique israélienne actuelle est le résultat d'une très longue période d'impunité. Soutenue inconditionnellement par les dirigeants occidentaux, elle contrôle totalement la région. L'impunité d'Israël va-t-elle le conduire au suicide, ou les bouleversements dans le monde arabe et en Palestine ouvrent-ils de nouveaux possibles qui limiteront ses capacités d'action ?


1. Voir le site: www.bilin-village.org/francais/decouvrir-bilin

2. Christiane Hessel Chabry, Gaza, J'écris ton nom, Editions indigène

3. Le Courrier, 16 novembre 2011. Michel Warschawski est un militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d'information alternative
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