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Pendant trois mois de l'automne 2008, quarante étudiants romands en travail social sont partis à la découverte de deux cités du canton de Genève: Les Avanchets et Onex. Leur thème de recherche: «La place des jeunes dans la cité». Crayons à dessin, appareils photos et enregistreurs en mains, ces futurs travailleurs sociaux sont allés à la rencontre des différents acteurs locaux. Cette enquête de terrain, grandeur nature, a été mise sur pied par la Haute Ecole en Travail Social de Genève (HETS-Genève) en partenariat avec les autorités municipales et les travailleurs sociaux œuvrant sur les communes. Nous reproduisons ici des extraits d'un dossier réalisé à Onex par cinq étudiantes. Tous les dossiers des étudiants sont accessibles sur le site: www.tshm.ch/avanchets-onex
Le sentiment d'insécurité est très vite ressorti lors de nos discussions avec les habitants d'Onex et de la Tour Bleue. En effet, sans même le sous-entendre, les différentes personnes y ont fait référence spontanément dans leur discours et nous avons pu constater qu'un lieu particulier était souvent nommé: la cage d'escaliers. Visiblement, cet endroit fait peur à un certain nombre d'habitants de cet immeuble. C'est pourquoi nous avons décidé de nous pencher sur la question et d'aller observer ce lieu redouté (…).
Dans les cages d'escaliers, nous avons pu observer des tags sur les murs, des messages comme: «Maroc», «favelas», «Africa», «nick les skine», «hlm de merde», «1213», «Cité Onex», «nick le Keve», «tu vas mourir», etc. Des tas de mégots de cigarettes et des restes de nourriture ont été retrouvés sur certaines marches. Le lieu est gris, et par sa hauteur semble interminable et étouffant. Certaines d'entre nous se sont senties à l'étroit et ne s'y sentaient pas à l'aise. D'autres n'éprouvaient pas de gêne particulièrement désagréable. Néanmoins, nous avons toutes trouvé ce lieu laid (…). «Vous ne devriez pas vous promener seule dans la cage d'escaliers à une heure tardive car on ne sait jamais ce qu'il peut lui passer par la tête!» (une habitante). Qui représente ce «lui»? Un jeune? Nous n'avons pas réussi à nous le faire décrire exactement. Mais nous avons appris qu'un homme y dormirait la nuit lors des périodes de froid depuis l'année dernière. Nous remarquons que cette personne développe à la fois de la pitié et de la peur. En même temps, peu d'habitants l'ont réellement vu (…).
Nous retrouvons dans le discours des habitants des points de vue différents. Certains disent se sentir en insécurité car n'importe qui peut entrer dans l'immeuble et ne savent pas ce que ces gens pourraient faire chez eux. D'autres disent que les jeunes se réunissant en bas de l'immeuble dérangent car ils ne respectent plus rien, qu'ils cassent tout ce qu'on met à disposition. Et enfin, d'autres encore, disent qu'aujourd'hui l'ambiance s'est apaisée et que les jeunes ne traînent plus dans le hall d'entrée et les cages d'escaliers (…). Nous avons l'impression qu'une sorte de mythe s'est construit autour de cette cage d'escaliers. Que ce soit pour des faits réels présents ou passés, ou que ce soit à travers des rumeurs, cette peur persiste et pourrait également s'accroître (…).
Le sentiment d'insécurité est un sujet d'actualité qui fait beaucoup parler de lui et qui concerne tout le monde. En effet, tous types de faits violents sont présents dans notre quotidien: vols, tapage nocturne, violence à l'école, violence conjugale, terrorisme, délinquance, viols, saccages de lieux publics, etc. Nous sommes touchés par ces faits de manière directe ou indirecte, par la presse ou la télévision, en tant que témoin ou en tant que victime. Nous y sommes tous confrontés quotidiennement et ceci est en lien direct avec notre sentiment d'insécurité. Celui-ci peut être vécu comme une peur personnelle ou comme une préoccupation collective et morale. La première est une peur liée à soi, la peur d'être victime d'une agression, tandis que l'autre est une peur liée à la collectivité, c'est la préoccupation face au phénomène criminel et il s'agit ici d'une préoccupation plutôt abstraite d'ordre social et politique. De plus, le sentiment d'insécurité combine le danger réel ou imaginé et la perception de sa gravité.
La notion de sentiment d'insécurité provient de l'anglais fear of crime, littéralement «la peur du crime». Elle fait son apparition dans les années 1970-80 afin de parler de l'augmentation de la violence chez les jeunes sans avoir à poser de diagnostic sur les causes. à cette époque s'engage un gros débat sur la réalité de l'insécurité dans les banlieues. Il est important de relever que dans la notion de sentiment d'insécurité, il y a sentiment. Par définition, celui-ci est subjectif et est de l'ordre de l'émotionnel. Le sentiment d'insécurité est lié à divers facteurs qui peuvent être interprétés comme menaçants et qui influencent le vécu personnel ou collectif. Les origines de ce sentiment peuvent être variées. La crise des institutions de socialisation (famille, école, etc.), la perte des valeurs morales de notre société, l'incertitude de l'avenir, la transformation de la famille, la question de la formation des jeunes et du chômage sont autant de processus de transformation sociale qui alimentent un sentiment d'insécurité sociale (…).