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On ne saurait évoquer le thème du populisme ou de la démagogie en Suisse sans avoir à l’esprit la formation politique qu’on caractérise le plus souvent par ces termes (l’Union démocratique du centre) et son chef de bande. Mais une mise au point introductive s’impose. Il ne faut pas confondre «populisme» et «proximité». La proximité devrait être une exigence pour toute formation politique. Elle consiste à se mettre à l’écoute de la population et à entendre ses problèmes et ses craintes, pour tenter d’y apporter des solutions. Un manque de proximité se traduit par une politique élitiste, et je reconnais d’emblée, pour me limiter à ma propre famille politique, qu’une certaine gauche tombe parfois dans ce travers.
Il en va tout autrement du populisme. Le populisme ne consiste pas à écouter le peuple, mais à le considérer comme une masse malléable à souhait et dans laquelle on peut inoculer «craintes» et «problèmes», afin de s’en réclamer ensuite pour appliquer une politique qui est, elle, parfaitement élitiste et idéologique. C’est à l’évidence ce populisme que l’UDC pratique, et il ne s’agit plus d’un «travers», mais d’un danger pour la démocratie.
«Le peuple a toujours raison», «le peuple a parlé», «quand le peuple a tranché, le gouvernement doit se taire»: voilà autant d’expressions dont l’UDC fait son pain quotidien. Elles paraissent de prime abord inoffensives, mais la pratique politique de l’UDC montre jour après jour ce qu’elles cachent intellectuellement: la négation de la démocratie. Dans la bouche de l’UDC, ces formules illustrent son antiparlementarisme larvé, son dédain pour la Constitution garante de l’Etat de droit, sa défiance à l’égard de la séparation des pouvoirs et son mépris pour ces pouvoirs eux-mêmes (cf. ses attaques contre l’ordre judiciaire, que le politique devrait en somme reprendre en main).
Non, le peuple n’a pas forcément raison. Et le constat d’une majorité dans les urnes n’est pas le seul critère de légitimité d’une décision populaire. Les démocraties modernes se sont construites en opposition au pouvoir absolu et à l’arbitraire d’un seul ou d’un petit nombre, mais sans pour autant transmettre au peuple un pouvoir lui aussi absolu. Et l’histoire du XXe siècle donne hélas des exemples tragiques de démocraties qui n’ont pas su se prémunir institutionnellement contre la dérive du totalitarisme fondé sur un peuple endoctriné.
Une décision populaire de supprimer des normes constitutionnelles fondamentales comme la protection contre l’arbitraire, l’égalité devant la loi ou le principe de proportionnalité dans l’activité de l’Etat ne serait à l’évidence pas légitime. Sauf à nier le système démocratique et l’Etat de droit, ce qui revient au final à nier le peuple lui-même. Tous les responsables de l’UDC n’envisagent certes pas de telles extrémités dans leur stratégie d’accession au pouvoir. Mais la pensée qui sous-tend leur populisme quotidien est intellectuellement porteuse d’un tel péril.
Christian Levrat, conseiller national socialiste