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Avril 2006
Le désarroi d’un quidam
Auteur : Edith Samba

Comme une bonne partie de mes concitoyens, je me pose d’innombrables questions sur la façon de proposer aux générations montantes un projet de société plus raisonnable. Parce qu’il n’y a pas de doute: si nous continuons à fonctionner au régime actuel et encourageons le peuple chinois, par exemple, à aspirer légitimement au même niveau de confort que le nôtre, nous allons droit dans le mur.

Parallèlement, il est difficile d’envisager de revenir aux méthodes de nos grands-parents: faire soi-même quotidiennement son pain et ses pâtes, dépecer son lapin, abandonner son véhicule et son ordinateur. Alors, pour me donner un peu de bonne conscience, je trie soigneusement mes déchets répartis entre une quinzaine de poubelles spécialisées squattant ma cuisine, quitte à envoyer négligemment, en cas de grande fatigue ou d’agacement, toutes les choses sans nom qui nous envahissent dans le grand sac noir des familles.

Je tente de rationaliser mes transports, de bien choisir les producteurs de mon alimentation et d’éteindre les lumières inutiles. Pour cela, j’ai intérêt à avoir une bonne santé, la tête bien programmée, parce que ces petits exercices me boulottent déjà bien assez de temps et d’énergie. En gros, ma contribution s’arrête là et je ne serai pas pétrie d’enthousiasme à l’idée d’en faire beaucoup plus.

Maintenant, de savoir que le lait produit par les vaches qui paissent sous ma fenêtre va faire un véritable tour d’Europe pour revenir sous forme de crème dans mon petit café et que le sucre a traversé l’Atlantique, je ne suis qu’à moitié consolée d’avoir choisi les grains à moudre estampillés Max Havelaar. Il me semble que là réside une grande partie du problème: la construction de machines si monumentales qu’elles ont pratiquement besoin du marché d’un continent entier pour être rentables, en cassant les petites structures locales et multipliant les transports délirants, constitue les signes flagrants d’une logique économique folle et furieuse! Il en est de même en produisant du matériel si rapidement périmé, en chipotant sur les crédits à la recherche pour des produits réellement utiles et économes en énergie.

Si quelqu’un a des solutions commodes à mettre en application qui ne m’encombrent pas plus dans mes activités et ne m’empêchent pas de rêver, qu’il n’hésite pas à m’en faire part: je suis volontiers preneuse. Malgré tout, le quidam de mon espèce ne peut pas prendre sur lui de résoudre les conséquences désastreuses d’une politique incohérente et d’une économie frappée d’autisme.

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