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Février 2024
Auteur : Nicolas Rousseau
Nous connaissons tous: «Tu ne tueras point» ! Grand philosophe allemand, Kant avait fait de cet impératif moral un absolu, dénonçant toute tentative de le soumettre à des conditions. Malheureusement, l’actuelle guerre au Moyen-Orient ne va pas dans son sens.
D’un côté, des intellectuels et politiciens atténuent leur condamnation des crimes du Hamas par différents motifs historiques: ce mouvement de résistance rattacherait son action à la lutte légitime des Palestiniens pour leurs droits. Et son terrorisme ne ferait que répondre à celui dont Israël s’est rendu coupable envers eux dans le passé et jusqu’à aujourd’hui.
Comme si un crime pouvait excuser l’autre! En entrant dans ce raisonnement, nous ne faisons qu’alimenter une spirale de vengeances sans fin. Or, la violence gratuite sur des civils désarmés est à dénoncer comme telle, sans aucune condition! De plus, paradoxe extrême, elle a surtout frappé des familles israéliennes plutôt acquises à la paix avec leurs voisins gazaouis.
Quant aux divers gouvernements du Moyen-Orient qui s’émeuvent du malheur de Gaza, eux-mêmes n’ont pas beaucoup protesté contre celui des Yéménites ou des Soudanais ! Et le respect absolu de la vie humaine est souvent loin de dicter leur politique intérieure. Erdogan pleure sur le sort des Palestiniens, lequel ne s’avère en réalité guère plus enviable que celui qu’il réserve lui-même souvent aux Kurdes!
D’un autre côté, au nom du droit inconditionnel des Israéliens à se défendre, de beaux esprits tendent à justifier moralement les bombardements indiscriminés sur Gaza. La gamme des justifications varie: le président Herzog voit dans tous les Palestiniens des complices indirects du terrorisme, ses militaires accusent le Hamas de se servir des populations comme boucliers humains. Certains parangons de vertu usent même de casuistique, affirmant qu’en bombardant Gaza, Tsahal ne chercherait pas à délibérément tuer des civils, contrairement au Hamas.
Là encore, attention aux risques d’errements ! C’est au nom d’une complicité supposée avec l’ennemi que les Allemands martyrisaient tout un village quand un des leurs y était assassiné ou que les Américains ont vitrifié des milliers d’habitants d’Hiroshima et de Nagasaki. Et chacun sait que beaucoup de guerres modernes se déroulent dans des milieux urbains où civils et combattants souvent se mélangent et qu’à moins de vouloir tout raser, les militaires doivent y agir en s’adaptant aux principes du droit humanitaire. Enfin, prétendre qu’en affamant et bombardant massivement une ville aussi peuplée que Gaza, les autorités d’Israël n’auraient pas conscience de cibler aussi des innocents, c’est là les dédouaner un peu vite !
La loi du talion peut certes se comprendre comme un progrès de la morale par rapport à un état antérieur de barbarie aveugle, mais qu’elle se trouve ainsi démultipliée, voilà qui en fait témoigne d’une évidente régression.
Plus grave encore, toutes ces entorses à l’impératif moral vont finir par le discréditer partout dans le monde! Allez expliquer qu’il faut s’empresser de condamner la Russie quand elle tue indistinctement des civils en Ukraine et à l’inverse ménager l’État israélien quand il agit de même à Gaza! Étonnez-vous aussi que le Sud dit global ne comprenne pas que Poutine soit poursuivi pour crime de guerre quand il déporte des enfants ukrainiens et que Netanyahou ne le soit pas quand il force tous les habitants du nord de Gaza à s’exiler en pleins combats ?
Faute de croire au respect élémentaire de la vie humaine et de cesser immédiatement le feu, que tous les protagonistes de cette guerre monstrueuse aient au moins la décence de ne pas lui chercher de justifications, de notamment dénoncer le premier ministre israélien quand il prétend qu’elle relèverait d’une moralité sans précédent !
Nicolas Rousseau, Boudry