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Le déracinement de populations est souvent la conséquence de grands projets industriels présentés comme nécessaires au «progrès», mais sans en présenter aussi les contreparties. Le plus connu et probablement le mieux documenté est la construction de grands barrages transformant des vallées entières en lacs artificiels destinés à la production d'électricité ou à l'irrigation, voire les deux. Ces barrages ont conduit au déracinement de millions de personnes contraintes de quitter leurs foyers et leurs terres souvent sans compensation ni offre de relogement (voir: Patrick McCully, Silenced Rivers, Zed Books, 1996).
Les dégâts provoqués par ces barrages à la nature sont considérables alors que les avantages annoncés pour justifier leur construction se sont le plus souvent avérés exagérés, voire illusoires. Ils ont des effets négatifs sur la faune aquatique et émettent beaucoup de gaz à effet de serre du fait de la décomposition anaérobie des végétaux qu'ils ont noyés. Ils ont de plus été la cause de catastrophes: plus de 400 personnes ont perdu la vie en 1959 du fait de l'effondrement du barrage de Fréjus en France. McCully cite le cas d'une série de barrages en Chine qui ont provoqué la mort de plus de 230'000 personnes en 1975. Comme le dit McCully, il n'est tout simplement pas possible de construire un barrage qui soit absolument sûr.
L'énergie nucléaire a elle aussi un potentiel de déracinement considérable. La catastrophe de Fukushima a chassé beaucoup de gens de cette région. Même si le nombre de personnes déplacées par les accidents nucléaires de Tchernobyl et Fukushima peut paraître assez faible, il faut prendre en compte le fait que les personnes restées ou revenues sur place après ces accidents doivent subir un rayonnement radioactif important, nettement au-dessus des normes généralement admises et mettent donc leur santé en danger. Il est difficile d'imaginer les conséquences qu'aurait un accident majeur impliquant des centrales nucléaires comme Gösgen ou Leibstadt en Suisse ou autres centrales nucléaires en France et ailleurs. Est-ce que quelqu'un s'est demandé comment évacuer une ville importante située sous le vent d'une centrale nucléaire? La réponse est très certainement non. Quand on pose la question aux responsables des offices nationaux de l'énergie ou aux promoteurs de l'énergie nucléaire, on s'entend répondre que ce genre d'accident ne peut pas se produire «chez nous», en Suisse ou en France et autres pays industrialisés, parce que toutes les précautions ont été prises et que, contrairement à Tchernobyl et Fukushima «nos» centrales ont des systèmes de sécurité infaillibles...
Infaillibles? Est-il raisonnable de prendre de tels risques sous prétexte d'un besoin électricité?
Indépendamment des déplacements plus ou moins forcés dus à des catastrophes ou des évacuations, la mobilité des personnes et des biens a pris une ampleur considérable. Il semble généralement admis par le monde économique et politique et la plupart des médias que la mobilité des personnes et des biens ne peut que croître indéfiniment et que c'est là un développement positif et souhaitable montrant le côté dynamique des sociétés modernes. Cette proposition est un non-sens. Elle s'inscrit dans un ensemble de croyances relevant du mythe de la prospérité par l'expansion économique. S'il est vrai que de voyager pour découvrir d'autres horizons est un bon moyen de connaître le monde et d'autres civilisations, il ne faut pas pour autant confondre voyager et se déplacer. On ne voyage plus guère aujourd'hui, on se déplace, la plupart du temps pour des raisons professionnelles liées au travail. On retrouve tous les jours les mêmes personnes dans les mêmes bouchons et les mêmes pendulaires s'entassent tous les jours dans les mêmes trains bondés. Après tout, il faut bien aller au travail et en revenir si on veut gagner sa vie... Gagner sa vie?
La frénésie de mobilité que l'on constate aujourd'hui est bien sûr liée au développement incontrôlé du trafic automobile. Il y a en Suisse aujourd'hui une voiture pour deux habitants, vieillards et nourrissons compris. Dans la plupart de ces voitures ne se trouve que le conducteur, lequel doit souvent tourner en rond pour trouver une place de parc quand il arrive à destination. Il semble que personne dans le monde politique ne se demande comment réduire ce trafic qui engorge les villes, pollue l'atmosphère et mène à une construction toujours accrue de routes, ponts et giratoires, sans parler des murs antibruit et autres constructions annexes. Il y aurait pourtant un moyen simple de réduire ce trafic automobile: laisser circuler un jour les voitures à numéros de plaque pairs et le lendemain les numéros de plaque impairs. On peut toujours faire des exceptions pour certains usagers de la route comme les taxis ou les médecins et les ambulances. L'important est que la réduction du trafic automobile soit considérée comme une proposition raisonnable et non comme une entrave à la liberté. Le meilleur moyen d'y arriver reste à discuter.