Logo Journal L'Essor
2024 2023 2022 2021 2020 2019 2018
2017 2016 2015 2014 2013 2012 2011
2010 2009 2008 2007 2006 + 100 ans d'archives !
Rechercher un seul mot dans les articles :
Article suivant Numéro suivant
Numéro précédent Article précédent   index de ce numéro

Octobre 2020
Le «traditionnel» et le «scientifique»
Auteur : Aboubacry Samba

Pendant longtemps, la médecine occidentale a eu un complexe de supériorité à l’égard des «guérisseurs» des pays du Tiers-monde qui soignaient les malades mentaux. Ce que faisait le «grand médecin blanc» était nécessairement bien, ce que faisaient les «sorciers» n’était que vulgaire superstition. Ou du moins le pensait-on jusqu’à récemment.

Mais depuis quelques années, des expériences retentissantes menées en Afrique, notamment au Nigeria et au Sénégal, ont montré que les guérisseurs traditionnels étaient capables d’effectuer des guérisons étonnantes. Plus récemment, le livre d’un médecin et chercheur américain connu, E. Fuller Torrey, «Le livre de l’Esprit», a fait exploser totalement le mythe de cette soi-disant supériorité.

Les techniques des psychiatres occidentaux, avec de rares exceptions, sont exactement sur le même niveau scientifique que celles des guérisseurs: «Si les unes sont magiques, alors les autres le sont aussi. Si les unes sont préscientifiques, les autres le sont aussi», écrit l’auteur.

Une grande partie des «succès» de la psychiatrie moderne repose sur la suggestion. En fait, sauf en de rares exceptions, on n’a aucun moyen de prouver que les techniques utilisées – des médicaments ou des thérapies verbales en Occident, des cérémonies religieuses et autres dans le Tiers-monde – soient réellement efficaces en elles-mêmes. Tant les psychiatres que les guérisseurs appliquent ces techniques et, parce qu’il arrive fréquemment que l’état des malades s’améliore, ils en déduisent que ce sont les techniques utilisées qui ont «causé» l’amélioration. Mais ils n’en ont jamais la preuve certaine.

L’or et le laiton, leur apparence est la même, mais la noblesse les sépare.
– Proverbe peul

Il est grand temps que l’on cesse de dénigrer ce qui est africain parce que c’est «traditionnel» et de supposer qu’une technique, une coutume, une famille, une façon de vivre sont meilleures parce qu’elles nous viennent d’Europe. Dans le domaine de la médecine en tout cas, on découvre de plus en plus les vertus de certaines approches traditionnelles.

Et en même temps, en Occident, des voix autorisées de plus en plus nombreuses soulignent que les maladies ne diminuent pas malgré une consommation effrénée de médicaments. Certains vont jusqu’à prédire que cette médecine devra changer ses méthodes car elle creuse actuellement sa propre tombe.

Guérisseurs, sorciers, chamanes ailleurs, qui sont-ils? Ils sont à la fois médecins, prêtres, travailleurs sociaux et mystiques.

On les a traités de fous et persécutés tout au long de l’histoire. On les a écartés dans les années 50-60 comme de purs produits «insipides» de l’imagination des anthropologues, et aujourd’hui ils sont à la mode.

Pivots et guides spirituels des sociétés traditionnelles depuis les premiers temps de l’humanité jusqu’à leur découverte par l’Occident, ils ont construit au fil des millénaires une philosophie de la vie s’opposant radicalement à celle de l’Occident.

Les idées qui gravitent autour des chamanes sont d’une telle complexité, d’une telle subtilité, qu’il faut tous les efforts des anthropologues sur le terrain pour les formuler, sans être sûrs d’éviter toute possibilité d’erreur.

Aboubacry Samba

Espace Rédaction    intranet
© Journal L'Essor 1905—2024   |   Reproduction autorisée avec mention de la source et annonce à la Rédaction  |       Corrections ?