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Février 2018
Petits gestes et compagnie
Auteur : Edith Samba

Actuellement les bons conseils pour adapter ses petits gestes quotidiens aux critères écologiques ne manquent pas. Il y en a dans tous les domaines et, pour rigoler, commençons par le tri des déchets. Il est tout à fait amusant d’observer que nous payons une part d’impôts pour certaines structures, une taxe déchets par ménage, une autre au sac, on se crapahute à sa déchetterie favorite ou impérative avec sa somptueuse limousine et distribue ses multiples paquets dans les espaces réservés. A la maison, on transforme sa cuisine, son balcon (si on a le bonheur d’en avoir un), sa cave et/ou son garage en gare de triage pour chaque sorte de déchets, dûment décortiqués, à coup de ciseaux, tournevis, clef anglaise; une pince-monseigneur ou une scie à bras peuvent s’avérer utiles dans certains cas de figure. Si on n’a pas de véhicule personnel, on doit trouver une bonne âme pour être soulagé de ses détritus ou payer encore pour un service de débarras à domicile. En bref, on fait un boulot du tonnerre de Zeus, on paye à tous les niveaux et en prime, on a des chances de se faire engueuler si on n’a pas réduit une caisse en bois à l’état d’allumettes à grand coup de massue, impossible à soulever sans être charpenté comme une armoire à glace. On a vraiment intérêt à avoir une fibre écologique chevillée au corps pour accepter l’exercice dans la joie et la bonne humeur.

Il va sans dire que les critères changent régulièrement, au gré des besoins des usines d’incinération, des récupérateurs en tous genres et des observations faites par les préposés. Quant au réel bénéfice carbone dans toute cette agitation, on est prié d’y croire, après les multiples déplacements dans sa maison, sur la route, l’eau pour rincer tout ce barda, l’essence, les cornets, les ficelles, le temps et l’énergie dévorés. Il n’est d’ailleurs pas prévu de s’intéresser aux personnes à mobilité réduite, qu’elles se débrouillent, bien des aides à domicile suivant l’ordre de ne pas y toucher. On préfère pour l’instant faire l’autruche sur les déchets triés puis mélangés après coup pour certains besoins, les faux sachets biodégradables, l’obsolescence programmée et les nombreuses énergies grises dépensées durant ces démarches. Bien sûr, on est prêt à croire au bien-fondé de l’entreprise, prêt aussi à civiliser les quelques-uns qui vident leur voiture par la fenêtre ou laissent traîner leurs restes après pique-nique.

Il n’empêche que ces innombrables petits gestes des citoyens disciplinés mériteraient de trouver leur pendant chez les grands producteurs de déchets, dans leurs méthodes, leurs emballages, leurs contenus, leurs publicités, leurs circuits financiers. On leur saurait gré de pouvoir observer de vrais efforts dans ses magasins favoris, sans se sentir poussés à organiser des km supplémentaires pour se ravitailler en vrac, assumant récipients, entretiens et organisations annexes. L’idée du vrac est intéressante mais modérément pratique, même si on sait que le confort est profondément corrupteur.

Aux petits, on se devrait aussi d’imaginer de grands gestes concernant l’organisation industrielle, économique et financière. On en sent des ébauches, mais encore pas franchement convaincantes. Il nous est demandé d’éteindre la lumière mais l’usage de la block Chain pour les transactions numériques est invraisemblablement gourmand en électricité, sans parler des pertes abyssales en chaleur. Lorsqu’on sait que chaque transaction bitcoin et consoeur boulotte cent fois plus d’énergie qu’un courriel, une recherche sur internet, alors que ceux-ci équivalent déjà, à l’unité, au chauffage d’une bouilloire d’eau, on se demande vraiment si l’on va pouvoir sortir de l’ornière.

Bien des mauvais plis ont été adoptés par nous tous: à part sortis d’une grotte, d’une île déserte, ou d’une tribu isolée dans une région reculée, nous sommes embarqués dans de curieuses habitudes. On se prétend de civilisation moderne, on court derrière l’accélération folle des trente dernières années et aujourd’hui on est amené à devoir se positionner face à l’explosion des chantiers à mettre en route. Parmi les mille pistes qui s’amorcent, on se doit de travailler «en même temps» individuel et collectif. En usant sans ménagement d’empathie, d’entraide, du respect de soi et des autres, de judicieux choix consommatoires, de frugalité, de jeun, de vélo…, accessoirement de tri des déchets, on ne doit pas oublier de s’unir et, par le poids du nombre, d’enjoindre les forces qui nous gouvernent, d’en faire de même: en voilà du pain sur la planche. Et pour le milliardaire Bezos qui demande des idées pour dépenser un peu de sa fortune, on pourrait lui suggérer de commencer par mieux traiter ses collaborateurs/trices, ce serait aussi un petit geste, pour lui…

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