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Cet été, je suis allé marcher sur les chemins de Compostelle, depuis Hendaye. J’ai suivi le Camino del Norte qui longe l’océan, au Nord de l’Espagne. Un chemin assez difficile, et donc pas énormément fréquenté.
Le deuxième jour, je suis arrêté sur le bord du chemin. Passe une jeune fille, on se parle. Et puis on marche en devisant. Deux jours nous marchons ensemble, et le soir au gîte, une petite société de pèlerins s’est formée. Cinq filles, cinq garçons, et moi, d’un autre âge. De sept pays d’Europe. Personne ne se connaissait auparavant. Le lendemain soir, nous nous revoyons tous et nous mangeons ensemble dans une atmosphère de paix et de partage entre tous. Je propose que chacun écrive un texte sur le Camino, sur sa vision du monde, et sur sa vision du futur de ce monde. Moment de stupeur: le futur! Ils ne s’attendaient pas à ça. Et puis tous, spontanément, sont enchantés par cette idée, et cela crée un groupe qui va rester en lien pendant quatre semaines.
Sur la route, en marchant, on se sépare, on se retrouve. Les affinités et le hasard font que quatre d’entre nous vont rester très proches jusqu’au bout du chemin, Santiago, puis Muxìa. Muxìa, sublime ultime village, sur l’océan, un lieu de légendes et de paix.
Au retour, chacun de nous quatre a exprimé un immense besoin de se revoir, de revivre cette espèce de rêve. Mais… Hollande, Espagne, France, Suisse, c’est loin pour un petit bonjour. Et puis le quotidien reprend ses droits. «On ne peut pas être et avoir été», dit le proverbe.
Ce que j’apprends chaque jour et ce que le Camino m’apprend, c’est vivre sans jugement, sans attente de l’Autre et sans attente du lendemain. C’est cela que j’appelle le bonheur. Le bonheur passe par une observation constante de soi et par l’écoute de la vie et des êtres vivants. C’est là que tu es dans l’échange entier, que tu peux tout donner et tout recevoir. Ce Camino m’a apporté un bonheur qui ne me quittera plus jamais.
Le bonheur va avec la connaissance de soi et la simplicité. C’est ce que m’apprend Socrate quand il dit, à la fin de sa vie, ces deux paroles: «Connais-toi toi-même» et «Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien». Quand j’avais seize ans, je faisais du grec au collège et j’adorais le personnage de Socrate dans les dialogues de Platon. Mais je pensais que je me connaissais, évidemment, et que je savais des choses, évidemment. Le fait que Socrate fût capable de dire des bêtises me contrariait un peu. Aujourd’hui, il n’est pas un jour où je ne pense à ces deux paroles simples et inspirantes.