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Les nuages et la pluie de ce dernier printemps n'ont pas été les seuls sujets de préoccupation. Une annonce véhiculée assez mollement par les médias avait pourtant de quoi froncer nos sourcils. Un nouveau marché est en train de naître sur les ruines de la solidarité sociale: celui de la délocalisation des personnes âgées. Oui, rien moins que ça! En Allemagne, en particulier, les réductions d'aide sociale à ceux qui sont déjà les plus démunis contraignent ceux-ci à expatrier leurs parents et grands-parents âgés en Europe de l'Est ou en Thaïlande, où les coûts d'hébergement dans les homes sont, en gros, au tiers de ce qu'ils sont dans le reste de l'Europe.
Les problèmes de langue pour ces expatriés? «De toute façon la personne est désorientée et même dans son pays, elle serait pareillement perdue», dit en substance une soignante interviewée sur une chaîne de télévision! Ce qui en dit long sur la formation qu'elle a dû recevoir et son approche «humaine» de la situation des personnes confiées à ses soins! Cela fait froid dans le dos, si l'on pense que ces personnes ainsi «exportées» pourraient être nos parents… ou nous-mêmes!
Cette situation nouvelle pose, à mon sens, deux questions primordiales à nos sociétés: la première, celle de la solidarité sociale. La deuxième, celle de la dignité de la personne humaine et du sens que nous lui donnons, question déjà largement ouverte par des organisations d'aide au suicide comme Dignitas ou Exit.
D'abord la solidarité sociale: en voulons-nous vraiment encore une, laquelle, et à quel prix? Un problème central de nos sociétés est peut-être bien en train de nous exploser à la figure, celui de l'impôt. La concurrence en ce domaine, les réductions pour les plus fortunés au nom de cette concurrence, d'un côté, et de l'autre le dumping salarial pour les moins bien lotis, ces changements entraînent l'éclatement de nos sociétés entre quelques très riches et une population qui s'appauvrit en même temps que l'Etat, qui doit lui-même faire face dans le même temps à une explosion de la demande sociale.
Ensuite dignité humaine: une question centrale sous-jacente au grand âge et à la fin de vie se pose. Elle peut se décliner ainsi: la dignité de la personne est-elle touchée par les infirmités liées à l'âge et à la fin de la vie? Avant de répondre péremptoirement à cette question, il n'est peut-être pas inutile de nous projeter nous-mêmes, ou nos parents, dans cette étape de la vie. Dire que le grand âge attente à la dignité de la personne, c'est ouvrir la porte à toutes les dérives, non seulement celles possiblement liées au suicide assisté, mais à celles en lien avec l'accompagnement et les soins à apporter aux personnes concernées. Dire que le grand âge n'entame pas la dignité de la personne, c'est non seulement affirmer cette dignité inviolable en toutes circonstances, mais c'est encore s'engager pour que la personne concernée bénéficie réellement de la solidarité matérielle et de la présence humaine des «bien-portants». Ce qui se mesure aussi en termes d'impôt, garant de la solidarité sociale.
«La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres», dit le préambule de notre Constitution fédérale. Voilà qui devrait suffire à nous sortir de l'obsession de la primauté de l'argent, appelé à passer du statut de maître à celui de serviteur. Pour un gain de liberté et de dignité de tous.