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Vous qui souhaitez moins d'État, voire la disparition de l'État, parce qu'il empêche la liberté individuelle, en général vous voulez bien qu'il y ait un État pour organiser l'armée, la police et le système judiciaire, mais si possible rien d'autre. A la rigueur vous acceptez que l'État prenne en charge quelques écoles et hôpitaux, mais vous avez pour modèle les États-Unis, où santé publique, éducation, assurances sociales, etc. sont essentiellement laissées aux privés.
Si tous ces domaines sont laissés à la charge du domaine privé, nous aurons:
Le privé va-t-il s'occuper du recyclage des déchets, de la préservation de la nature, de la lutte contre la pollution, du recyclage des chômeurs, de la répression de la criminalité, de l'accueil des réfugiés ?
Vous vous insurgez contre l'État quand il fait des contrôles (et vous avez parfois raison), mais vous en voulez bien quand il s'agit d'acheter de l'armement, de mettre en place des lois sécuritaires, et de confier des mandats bien rémunérés aux universités et aux entreprises.
Comme un contrôle total de la politique d'un pays comme la Suisse par l'économie privée n'est pas possible, vous préférez l'influencer par vos lobbies, en faisant vos propres études que vous présentez comme la vérité objective, etc.
L'État nous rend donc beaucoup de services. Mais parfois il faut savoir dire non à l'État. Il faut résister à l'État.
Mais il faut reconnaître des limites à la liberté individuelle (interdiction de propos racistes, d'appels à la haine, du harcèlement sexuel); il faut faire des lois contre la débauche de publicité et d'internet; il faut contrôler notre alimentation et interdire ce qui nuit à la santé, qui détruit l'environnement, qui exploite les laissés pour compte.
Vous qui demandez que tous les actes de l'État soient soumis au vote populaire, vous avez déjà obtenu l'interdiction des minarets, l'expulsion des étrangers délinquants, et vous espérez qu'on limitera de plus en plus la présence d'étrangers, en premier lieu des requérants d'asile; vous voudriez enlever à la Suisse tout pouvoir dans les négociations internationales (car il faudra d'abord consulter economiesuisse, les banques, et le peuple, avant de conclure quoi que ce soit).
La démocratie, c'est les choix fondamentaux laissés au peuple. Mais c'est aussi des institutions, des droits, une constitution, des lois. Le peuple doit donc aussi accepter que son pouvoir soit limité. Quelquefois, les équilibres à respecter sont tellement subtils, ou les problèmes sont tellement émotionnels, que les décisions ne peuvent être prises qu'en consultant les parties et les experts. Un exemple est l'élection du Conseil fédéral (la Suisse championne des droits populaire est l'un des seuls pays où l'exécutif n'est pas élu par le peuple!). Le pouvoir du peuple est limité en particulier par les conventions internationales des droits humains et par les obligations de solidarité internationale. C'est pourquoi je me méfie de ceux qui disent que le peuple doit toujours avoir le dernier mot.
Certes l'État n'a pas bonne presse aujourd'hui. On se plaint qu'il y a trop d'État, trop de bureaucratie, que l'initiative individuelle est châtrée. Mais que ferait-on sans État? On ne peut être pour l'État ou contre l'État. Il faut un État contrôlé par la démocratie, mais celle-ci doit être limitée par les institutions et les engagements internationaux.