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Mais aujourd'hui, elles ont malheureusement été soumises en grande partie au système économique et donc soumises au critère aberrant du rendement financier. Il en est résulté que le pouvoir politique soutient surtout les grandes exploitations agricoles au lieu des petits paysans. L'argument est du type «plus c'est gros, plus c'est beau». On pense que l'on produit plus par unité de travail sur de grandes surfaces et donc que c'est plus rentable du point de vue financier. Mais l'activité paysanne ne consiste pas seulement à produire le plus possible sur une surface cultivable donnée. Il s'agit d'une activité comprenant une multiplicité de savoir-faire. Il faut observer et s'adapter aux conditions météorologiques, aux qualités des sols et aux caractéristiques du site. Il s'agit donc d'une activité multiforme et complexe.
L'adaptation aux exigences de l'économie tend à la simplifier et donc à la fragiliser: monocultures sur de grandes surfaces n'utilisant que peu de main-d'œuvre et faisant fonctionner des machines de plus en plus puissantes et lourdes (par exemple moissonneuses-lieuses-batteuses), utilisation d'engrais chimiques qui appauvrissent et empoisonnent le sol, propagation facilitée de parasites et application de pesticides et herbicides dangereux pour la santé.
Dans la logique du rendement économique, l'important est d'obtenir le kilo de pommes de terre ou de céréales à un prix aussi bas que possible, ce qui aboutit à mettre en concurrence les agriculteurs portugais avec les producteurs hollandais pour le plus grand profit des intermédiaires et des transporteurs. On trouve même sur le marché suisse des pommes de terre venant d'Israël. En bref, l'intrusion de l'économique force à remplacer la collaboration par la compétition, ce qui provoque le pillage de la biosphère et une réduction de sa complexité.
L'industrie cherche aussi de son côté à maximaliser les rendements financiers et donc à réduire le nombre de ses employés. Paradoxalement, la création de places de travail revient aujourd'hui comme une litanie dans les discours politiques. Il faut absolument occuper une masse de gens de plus en plus grande pour éviter un chômage provoqué par la logique économique elle-même. Par ailleurs, il faut «travailler plus pour gagner plus» selon la logique infantile de M. Sarkozy, ce qui n'est bien sûr pas compatible avec la proposition de multiplier les places de travail.
Et travailler pour quoi faire? Il n'y a pas que la place de travail qui compte mais aussi ce que l'on y fait. Or aujourd'hui on travaille de plus en plus pour l'obsolescence. Des appareils nouveaux en remplacent des plus anciens qui marchent pourtant encore bien et qui deviennent des déchets parce qu'ils n'ont plus de valeur commerciale. Pour éviter d'amplifier par trop le flux de matière, on a inventé «l'écologie industrielle» qui part de l'idée que le déchet des uns peut être la matière première des autres. Cela exige de démonter ce qui a été assemblé et ne va pas sans consommation d'énergie. On ne peut s'empêcher de penser à l'écureuil dans sa cage tournante.
Plus de gens travaillant toujours plus aboutit à un système divergent incompatible avec un monde fini. La fin du travail est une conséquence nécessaire de la finitude de notre monde. Surtout le travail qui nécessite l'exploitation de soi-disant ressources comme le pétrole, les métaux, les phosphates, les terres rares, etc. Il va donc se poser le problème de l'activité des nombreuses personnes qui auront perdu leur emploi. Cela implique de se partager le travail restant et donc de travailler moins. On peut aussi espérer une augmentation des activités culturelles et artistiques. Des activités scientifiques orientées davantage vers l'observation de la nature et moins vers sa domination. Après tout, il y a encore matière à s'émerveiller et à comprendre.
Tout cela implique aussi une justice sociale. La monopolisation de ressources par des privilégiés n'est pas acceptable lorsque ces ressources s'amenuisent, ni d'ailleurs avant. Le système économique actuel qui dépend de la croissance stimulée par la compétition n'est pas viable dans un monde fini. Il faut souhaiter que les décideurs politiques et économiques le réalisent avant que la révolution ou la catastrophe les y obligent.
Maximilien de Robespierre
Nous avons dû lutter contre les vieux ennemis de la paix: le monopole industriel et financier, la spéculation, la banque véreuse, l'antagonisme de classe [...] Ils avaient commencé à considérer le gouvernement des États-Unis comme un simple appendice à leurs affaires privées. Nous savons maintenant qu'il est tout aussi dangereux d'être gouverné par l'argent organisé que par le crime organisé.
Franklin D. Roosevelt
(discours du 31 octobre 1936)
La finance dont les spéculations, aussi simples que faciles, semblent ne rien donner au hasard, et ruinent le commerce dans son principe parce qu'elles ruinent l'agriculture.
Condillac