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Le rapport de trois chercheurs de l’Institut de technologie de Zurich, publié durant l’été 2011, a de quoi glacer les sangs. Ils ont épluché le fonctionnement de 43'000 multinationales, détenues en réalité par 737 «entités» financières, principalement des banques et des assurances, qui portent pour nom Barclays, les «stars» de Wall Street: JP Morgan, Merrill Lynch, Goldman Sachs, Morgan Stanley, etc. Ceux-ci possèdent 80% de la valeur économique et financière du commerce mondial et seul 147 d’entre elles en détiennent 40%. C’est dire la concentration du pouvoir entre une centaine et quelques centaines de dirigeants qui font la pluie et le beau temps sur le quotidien de la plupart des 7 milliards d’individus que nous sommes. Osons dire clairement que c’est l’orgueil et l’infinie présomption de ces plus hautes autorités économiques qui les rendent indignes.
La suite logique de la crise de 2008 où, pour rappel, les États ont dû massivement aider les banques et fait que maintenant celles-ci obtiennent du crédit à 1% pour le reprêter au compte-goutte à 3,5 ou 7% aux États, donne une idée du paradoxe dans lequel nous pataugeons. De fait, l’emprise de cette logique sur le monde a pris une telle ampleur que nous voyons nos gouvernements locaux ou nationaux vendre leur âme pour des projets délirants, à l’image des monumentales surfaces agricoles africaines vendues ou louées à vil prix à des entreprises chinoises ou du golf mégalo dans les «dunes d’Écosse» du magnat Trump. Les exemples ne manquent pas. Nous devons à ce jour constater que les mêmes qui ont participé au déclenchement de la crise par l’encouragement inconsidéré au crédit à tous les étages, se font offrir les rênes du pouvoir, en Italie et en Grèce notamment.
Fort de ce constat, il est toujours possible de prétendre que les indignes sont à chercher dans le voisinage immédiat, chez les aidés sociaux, les démunis, les étrangers, les minorités si possible, c’est tellement plus facile à pointer du doigt. On peut aussi en trouver du côté des instances gouvernementales, locales ou nationales, internationales aussi, qui défendent ce modèle, souvent en toute bonne foi, convaincus de la pertinence de ce système. Beaucoup d’indignes aussi à la petite semaine sévissent dans tous les rouages de la société, et sentent un vent très favorable à leurs affaires actuellement. L’argument généralement évoqué est qu’il n’y a pas moyen de faire autrement.
À mon humble avis, les véritables indignes de cette planète sont à chercher du côté de ces «entités» dirigeantes. Leurs méthodes consistant à ne garder que les domaines qui rapportent du 15 à 25% de rentabilité, à exercer des pressions scandaleuses sur les entreprises pour y parvenir, à externaliser tout ce qui n’est pas aussi «profitable» et créer ainsi une cascade de sous-fifres en ordre décroissant de rentabilité en encourageant automatiquement le retour ou la survie de l’esclavage, est d’une invraisemblable grossièreté.
Et quand on apprend les méthodes de charité à la mode Bill Gates, finançant à la fois des recherches de vaccins et Monsanto, il nous est offert un bel exemple d’incohérence et de malhonnêteté intellectuelle. Force est de constater que l’indignité prend des formes redoutables. On imagine volontiers l’armada de courtisans, ravis de s’accrocher à ces mannes miraculeuses et les victimes, innombrables, qui auront vu leur condition quotidienne s’aggraver mais obligés de remercier pour le vaccin des enfants, avec sourires à la caméra s’il vous plait.
D’aucuns me rétorqueront que ces méthodes ne datent pas d’hier. C’est vrai mais l’accélération dans la concentration, la vantardise et l’arrogance médiatique des meneurs n’est pas banale et fait courir le risque à l’ensemble de notre société de s’y complaire en attendant la suite.
Ainsi, nous voyons nos politiciens se soumettre aux évidences qui nous sont assénées, par exemple que les marchés financiers sont par définition efficients, bons juges de la solvabilité des États, favorables à réduire les dettes publiques et qu’ils seront «rassurés», ces pauvres petits, en appauvrissant les 99 % restants… Prétendre que l’envolée des dettes publiques est due aux excès des dépenses publiques est un mensonge, réduire les dépenses pour payer les dettes est un non-sens économique.
L’Europe qui continue à se baser sur ces nouveaux outils que sont ces trop fameuses agences de notations ne prend absolument pas la direction indispensable pour parvenir à une harmonisation dans le progrès des systèmes économiques et sociaux des 27 pays. Cela supposerait la mise en commun d’importantes ressources budgétaires, dégagées par le développement d’une fiscalité européenne équitable, véritablement redistributrice. Et à la condition première que les États se départissent de leur soumission aux marchés financiers tenus par cette fine équipe des 737.