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Tous les bébés en trop en Afrique sont des bébés non désirés. C'est dit un peu crûment, mais il semble que c'est un fait. Voyons par thèmes ce qui est spécifique à l'Afrique sub-saharienne dans le domaine de la surpopulation.
«Viens vivre dans ma maison et on fait des enfants ensemble». Ceci est une demande en mariage et les époux ne passent que rarement devant monsieur le maire. Un Africain me disait: «Tu sais, chez nous, la femme, c'est rien.» En effet, toutes les responsabilités, les décisions, reposent sur les épaules des hommes. On voit des femmes ministres à la télévision, mais ce sont des femmes alibi; on ne les écoute pas (considérations candides d'une féministe européenne…). Une exception: la femme d'un certain âge, la matrone. Celle-là, on l'écoute, elle a de l'influence, on doit compter avec son avis.
Une femme indépendante, ça n'existe pas. La veuve deviendra la xème épouse d'un frère du défunt mari. Indépendamment de la religion, la polygamie existe actuellement. Il y a deux variantes: les épouses se connaissent et parfois vivent dans le même village; ou bien les épouses ignorent l'existence des autres épouses, le mari étant discret (comme ça se passe chez nous…). Et dans ce cas, à la mort du mari, elles apprennent que leur mari avait une ou plusieurs autres épouses, elles se regroupent et se battent pour l'héritage. Empoignades garanties… Bien sûr, qui dit plusieurs épouses dit une ribambelle d'enfants.
La France connaît la Sécurité Sociale, la Suisse connaît l'Assurance Vieillesse et Survivants. L'Afrique ne connaît pas ces systèmes qui garantissent aux vieilles personnes un revenu sous forme de rente jusqu'au décès. Donc les enfants entretiennent leurs parents âgés. Tous mes amis africains m'ont parlé de leur mère, de leur père, qu'ils doivent entretenir. C'est la norme. Un couple sans enfant, c'est impensable, c'est une catastrophe. Un grand nombre d'enfants, c'est la sécurité pour les vieux jours. On pourrait dire schématiquement: chez nous, les enfants coûtent cher; en Afrique, les enfants rapportent. Mais les enfants coûtent aussi cher en Afrique quand il s'agit de leur payer l'enseignement puis les études. Un ami africain m'a dit: j'ai deux enfants adolescents. Ma famille élargie exerce des pressions pour que j'en aie plus.
Commençons par cet adage entendu en Suisse: «La vie est une maladie sexuellement transmissible et toujours mortelle». Voilà, le décor est planté. Si on veut parler de surpopulation, on doit parler de sexe, car s'il y a une naissance, il y a eu activité sexuelle neuf mois plus tôt, je suppose que tout le monde est d'accord sur ce point.
Je discute dans l'avion pour Cotonou avec mon voisin, un jeune monsieur. Il me dit être Béninois, médecin dans un hôpital en France et avoir femme et enfants au Bénin. Je fais allusion aux retrouvailles qui l'attendent et à sa solitude en France. Il m'explique: «L'homme gère». Comprenez: l'homme va voir ailleurs, et c'est admis. Une amie africaine me disait: «L'homme est naturellement polygame!». Sa fonction est d'arroser, de distribuer sa semence. Un diplomate africain avec qui je travaille à l'ONU à Genève m'a demandé le plus naturellement du monde où était le quartier chaud de Genève car il avait besoin de trouver une partenaire. Un Togolais m'a dit: «Faire l'amour, c'est comme manger, boire, dormir et respirer; ça fait partie des besoins de base». Un Africain chrétien s'accommode à la manière africaine des préceptes de fidélité figurant dans la Bible. On constate un mélange entre la tradition africaine et le christianisme importé et plus ou moins intégré.
Est-ce différent chez nous? Pas tellement; seulement, cela ne se dit pas, on est plus discret. Je lis dans un livre écrit par un Béninois: «… et l'homme alla voir son épouse pour avoir son plaisir.» Satisfaction d'un besoin naturel. L'épouse accueille donc son mari et se retrouve enceinte plus souvent qu'elle ne le souhaiterait.
Soyons clairs: le préservatif est mis en avant par de vastes campagnes parce qu'il permet de lutter contre les grossesses non désirées ET contre le SIDA. La pilule permet de gérer les grossesses, pas le SIDA. La pilule est l'affaire de la femme, le préservatif nécessite le consentement et la participation de l'homme. L‘usage du préservatif pose problème. Ce fait est lié à la circoncision. En Afrique noire (Afrique de l'Ouest, Afrique centrale, Afrique de l'Est et une partie de l'Afrique du Sud), la circoncision est extrêmement répandue quelles que soient l'ethnie et la religion.
On m'a dit de plusieurs sources: l'homme circoncis a des sensations diminuées. Par conséquent, avec un préservatif, ses sensations tombent encore beaucoup plus bas. Il essaie donc d'éviter l'usage de ce dispositif. Recherche; sur wikipédia, on peut lire: «perte de sensibilité progressive (kératinisation progressive de la surface du gland)». Ceci est dû au fait que l'extrémité du pénis, protégée par le prépuce chez l'homme non circoncis, est chez l'homme circoncis constamment en frottement avec les vêtements.
Mais d'autre part, on lit sur le site d'ONUSIDA (2007): «Il est prouvé que la circoncision des adultes mâles réduit la transmission sexuelle du VIH de la femme à l'homme.» Elle protège du SIDA à 60%, dit cette instance. Et les nouvelles campagnes de prévention sont basées là-dessus.
On l'aura compris, la circoncision protège de la transmission du virus HIV, mais d'autre part pousse l'homme à éviter le préservatif. Le problème n'est pas simple. J'en arrive à la constatation suivante: les campagnes mises sur pied par les grandes organisations internationales, ONUSIDA, OMS, etc., contre la propagation du SIDA et le nombre élevé des naissances sont conçues par des Occidentaux qui connaissent bien peu de choses sur l'Afrique, sur les coutumes sociales, sur la sexualité des Africains. Elles sont donc vouées à l'échec. A Cotonou, j'ai eu la possibilité de discuter avec diverses personnes, hommes et femmes. Sur ce point, toutes m'ont donné raison. On ne peut pas faire bouger les choses par de telles campagnes conçues en Occident et importées.
De plus, il faut mentionner un effet pervers: les Africains ont subi l'esclavage et la colonisation, deux stratégies occidentales qui ont fait d'énormes dégâts. Maintenant, les Occidentaux viennent avec les campagnes contre la surpopulation et le SIDA. Il semble qu'il y ait de la part des Africains un certain rejet global, peu réfléchi et émotionnel. Certains Africains en arrivent à penser que les Occidentaux veulent tout simplement les exterminer en limitant les naissances. Ce qui n'arrange pas les choses.
Avec le coût d'un préservatif, on nourrit une famille pendant une journée. Etant donné la misère qui règne dans beaucoup de régions d'Afrique, on comprend vite que les parents mettent la priorité sur la nutrition de la famille. Les tests sur le SIDA sont gratuits en Afrique, les préservatifs devraient l'être également. J'imagine de grands bacs dans les pharmacies, où chacun peut se servir par poignées. Mais j'ai vu des pharmacies à Cotonou: l'entrée est murée et on obtient ses médicaments par une toute petite fenêtre… A étudier.
La pilule anticonceptionnelle distribuée gratuitement? Est-ce à envisager? Est-ce réalisable? Médicalement? Economiquement?
C'est frappant de voir comment les Africains sont utilisateurs de la technique moderne tout étant enracinés dans leur culture et leurs traditions. La structure sociale pose des exigences; les individus les respectent, car dans le cas contraire, les sanctions sont intolérables: isolement, qui peut aller jusqu'à l'exclusion du groupe. On constate donc une grande pression sociale.
Le problème de la surpopulation concerne l'Afrique. Les démographes qui voient venir une situation catastrophique sont en Occident, Europe et Amérique du Nord. Les solutions se trouvent dans une collaboration empreinte de connaissance approfondie et de respect.