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On sait à quel point la créativité peut s'exercer dans tous les domaines: c'est flagrant sur les murs de nos villes, dans la publicité et les produits de consommation. Il est vrai qu'elle est nettement moins volontiers tolérée dans les administrations, le code pénal ou certaines églises.
Il est un domaine où elle ne se trouve pas en reste, même si à première vue elle n'est pas aussi chatoyante et aussi facile à détecter, c'est le domaine financier et bancaire. Comme citoyen moyen, on a quelque peine à imaginer les trésors d'inventivité qu'il faut pour mettre au point de nouveaux outils financiers et les glisser sur un marché mondialisé d'une grégarité impressionnante. Découper des dettes en fines lamelles, les mélanger selon des recettes complexes et personnalisées pour appâter ses congénères, puis le reste de la planète dans leur sillage, relève du grand art. Jouer avec les dérivés de crédit ou les prix de transfert pour ne pas remplir son devoir civique qu'est l'impôt est d'une efficacité redoutable et ne manque pas non plus d'esprit créatif…
Aussi, le citoyen lambda ne pouvait faire autrement que de se lancer, lui aussi, le défi de créer une alternative au rouleau compresseur nommé OMC, organisation mondiale du commerce. Ainsi, d'innombrables ateliers, groupements et autres associations se sont développés sur l'idée de faire fonctionner les échanges entre gens, entre petites entreprises selon le mode de la collaboration plutôt que la compétition. Nous avons les chèques WIR, les banques Grameen, les trocs de toutes sortes, les boutiques de seconde main, les groupes d'échanges de savoirs, Talents, JEU, SEL et bien d'autres. Il est passionnant d'observer les nouvelles méthodes de gestion qui émergent en Amérique du Sud, des entreprises autogérées aux banques locales.
En creusant plus précisément le système d'échange local (SEL), on y trouve une unité d'échange dont la valeur est fixée par les membres de l'association. Elle ne répond pas à la définition d'une monnaie – puisque n'étant ni exigible, ni convertible – mais à bien des égards on peut y voir une «monnaie» locale. Chaque groupe détermine le nombre d'unités nécessaires pour «dédommager» l'équivalent d'une heure de travail.
Au travers d'un bulletin paraissant trois à quatre fois par an, les membres y précisent toutes les propositions qu'ils souhaitent y voir figurer, les offres, les demandes de biens, de compétences et de services, répertoriées par thème. Chacun reçoit la liste des coordonnées de tous, entre en contact directement et s'organise avec son partenaire comme ils l'entend. Au travers d'un carnet de bons, les échanges sont authentifiés par les deux signatures et chaque partie garde son récépissé pour contrôle. Ainsi, une communauté locale, qui possède, souvent sans le savoir, une foule de richesses, de talents, de ressources méconnues ou ignorées par le système actuel d'économie de marché, peut leur permettre d'être mis en valeur.
Ce troc multilatéral, non-contraignant et non-spéculatif, permet à des personnes de tous âges, classes sociales et niveaux de compétences de trouver des opportunités. D'ailleurs une étude faite par M. Colin C.William de l'Université de Leeds (Glasgow, Ecosse) signalait déjà en 1994, que les communautés qui ont mis sur pied leur système d'échanges en ont très vite tiré de multiples avantages, comme des activités pour des personnes au chômage, isolées ou voulant occuper un peu de temps libre, des solutions alternatives pour celles qui désirent être déchargées, de nouveaux débouchés pour les agriculteurs, les commerçants, les artisans, le tout s'organisant dans un climat démocratique, convivial et solidaire.
Ces groupes ont par la suite mis en place des réseaux d'échange entre eux, pour des hébergements par exemple, appelés Route des SEL, de même pour des stages.
Il est fort intéressant de constater à quel point nous sommes tous formatés dans notre rapport personnel à l'argent, et que certains groupes tombent dans les travers de ce conditionnement. On peut en rencontrer qui oublient de fixer les règles démocratiquement, le besoin d'exercer un pouvoir prenant le dessus, d'autres, ou les mêmes, multiplient les règles de fonctionnement, par peur d'aborder directement les petits problèmes que certains individus provoquent, parfois sans s'en rendre compte. Immanquablement, ces nouvelles règles posent de nouvelles difficultés, la vie se chargeant de sortir régulièrement du cadre.
Il est aussi important d'apprendre à avoir moins peur des autres, à calmer ses réflexes à vouloir juger à tout prix, en parfaite méconnaissance des situations. Il arrive aussi que certains groupes se compliquent la vie à vouloir fixer des règles de gestion conforme aux règles de comptabilité qui ont cours dans le système classique. Ils en oublient que le système SEL est fondamentalement libre et que la liberté demande simplicité, tolérance et confiance. Assurer la transparence de l'exercice comptable lors que chaque sortie de bulletin est la meilleure méthode pour éviter d'éventuels abus, chacun sachant ce qui se passe globalement pour les autres et pouvant en tout temps signaler un potentiel problème.
Tous ces exercices pratiques laissent clairement entendre que l'esprit de participation et de collaboration, la prise en compte de l'avis de chacun, quelques règles simples, démocratiquement choisies et compréhensibles par tous, sont les meilleurs ingrédients pour faire fonctionner harmonieusement la communication et les échanges entre citoyens du monde.
Sur le web, voir: www.sel-suisse.ch et www.seldulac.ch