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Août 2009
Loi sur l'asile - La position des Quakers
Auteur : communiqué

La pratique de la solidarité

Le Conseil fédéral met actuellement en consultation une modification de la loi sur l'asile. La modification propose notamment d'ajouter à la loi un nouvel article 3, al. 3: Ne sont pas des réfugiés les personnes qui sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être au seul motif qu'elles ont refusé de servir ou déserté.

La position des Quakers

Dans une lettre adressée à la conseillère fédérale Evelyne Widmer-Schlumpf, la Société religieuse des Amis (les Quakers) exprime son opposition à ce nouvel article. Elle rappelle que l'objection de conscience au service militaire est un droit reconnu parmi les droits humains. Tant les Nations Unies que le Conseil de l'Europe le reconnaissent explicitement.

Le Conseil de l'Europe s'est exprimé à ce sujet dès 1967. La résolution 337 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe rappelle notamment que « les personnes astreintes au service militaire qui, pour des motifs de conscience ou en raison d'une conviction profonde d'ordre religieux, éthique, moral, humanitaire, philosophique ou autre de même nature, refusent d'accomplir le service armé, doivent avoir un droit subjectif à être dispensées de ce service ». Elle ajoute: « Dans les Etats démocratiques, fondés sur le principe de la prééminence du droit, ce droit est considéré comme découlant logiquement des droits fondamentaux de l'individu garantis par l'article 9 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ».

Pour sa part, la résolution 1998/77 de la Commission des Nations Unies des droits de l'homme, adoptée sans opposition, rappelle notamment que l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme reconnaît à toute personne le droit, devant la persécution, de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays. Elle encourage les Etats à accorder l'asile aux objecteurs de conscience qui sont contraints de quitter leur pays d'origine parce qu'ils craignent d'y être persécutés en raison de leur refus d'accomplir leur service militaire. La formulation de la résolution onusienne n'est certes pas contraignante, mais elle va clairement dans le sens d'un appel à traiter l'objection de conscience, voire la désertion, comme motif qui justifie la reconnaissance du statut de réfugié.

Les Quakers rappellent en outre les deux documents du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés qui confirment que dans certaines circonstances au moins l'objection de conscience ou la désertion peuvent justifier une demande de statut de réfugié. Dans le « Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés », il est dit: « Dans certains cas, la nécessité d'accomplir un service militaire peut être la seule raison invoquée à l'appui d'une demande du statut de réfugié, par exemple lorsqu'une personne peut démontrer que l'accomplissement du service militaire requiert sa participation à une action militaire contraire à ses convictions politiques, religieuses ou morales ou à des raisons de conscience valables ».

L'article 171 affirme: « N'importe quelle conviction, aussi sincère soit-elle, ne peut justifier une demande de reconnaissance du statut de réfugié après désertion ou après insoumission. Il ne suffit pas qu'une personne soit en désaccord avec son gouvernement quant à la justification politique d'une action militaire particulière. Toutefois, lorsque le type d'action militaire auquel l'individu en question ne veut pas s'associer est condamné par la communauté internationale comme étant contraire aux règles de conduite les plus élémentaires, la peine prévue pour la désertion ou l'insoumission peut, compte tenu de toutes les autres exigences de la définition, être considérée en soi comme une persécution ».

L'article 172 est encore plus précis: « Le refus d'accomplir le service militaire peut également être fondé sur des convictions religieuses. Si un demandeur est à même de démontrer que ses convictions religieuses sont sincères et qu'elles ne sont pas prises en considération par les autorités de son pays lorsqu'elles exigent de lui qu'il accomplisse son service militaire, il peut faire admettre son droit au statut de réfugié. Toutes indications supplémentaires selon lesquelles le demandeur ou sa famille auraient rencontré des difficultés du fait de leurs convictions religieuses peuvent évidemment donner plus de poids à cette demande ».

La Société des Amis constate: « Jusqu'ici, la Suisse tirait du droit à l'objection de conscience et à son corollaire dans certaines situations du droit à la désertion la conclusion logique que l'atteinte à ce droit pouvait justifier la fuite et par conséquent la reconnaissance en tant que réfugié. Il est fortement à déplorer que les autorités fédérales proposent maintenant de faire marche arrière et de placer la Suisse en retrait par rapport aux valeurs entérinées par la communauté internationale ».

Et de conclure: « Se mettre en porte-à-faux par rapport à la résolution 1998/77 de la Commission des Nations Unies des droits de l'homme ne comporte comme sanction que l'opprobre moral, mais cela devrait déjà retenir notre pays d'un tel acte. En se retirant du cadre l'article 9 de la Déclaration européenne des droits de l'homme et à la résolution 337 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, la Suisse s'expose en outre au risque de condamnation si un cas était porté devant la Cour européenne des droits de l'homme ».

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