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C’est un peu l’«être ou ne pas être» helvétique, la question récurren-te qui tourmente la population suis-se avec plus ou moins d’intensité au gré de l’état momentané des rela-tions parfois tumultueuses entre la Suisse et l’Union européenne. Alors que l’UE fête ses 50 ans d’existen-ce, les Suissesses et les Suisses n’ont toujours pas tranché. Ils n’ont, à vrai dire, jamais eu la possibilité de le fai-re de manière directe.
Les votations liées à la «voie bilatérale» ne peuvent pas être prises à témoin: elles ne concernent que des enjeux strictement sectoriels, sans finalité clairement définie. La votation populaire sur l’initiative «Oui à l’Europe!», en 2001? Les experts s’accordent à dire que le vote s’est joué sur des questions de procédure (qui doit décider?) et de calendrier (à quel moment?). Quant aux résultats des sondages d’opinion, ils varient en fonction du contexte politique suis-se, de la conjoncture économique et, dans une mesure non négligeable, de l’état des relations avec l’UE.
Il a par exemple suffit que l’Allemagne applique les standards «Schengen», en mars 2004, pour que le pourcentage d’opinions favorables à l’adhésion enfle à la mesure des colonnes de bouchons créées aux postes frontières. À l’inverse, lorsque notre économie prospère et que l’UE nous tance sur la fiscalité des holdings, c’est le réflexe anti-européen qui reprend le dessus. Sur la durée, on peut toutefois estimer qu’un tiers des Suissesses et des Suisses est favorable à l’adhésion, qu’un tiers demeure indécis mais n’exclut aucune option, tandis que le dernier tiers campe sur son hostilité à tout rapprochement supplémentaire.
Cela étant, la question de l’adhésion conserve toute sa pertinence sur le fond. Suite au «dimanche noir» de 1992, la Suisse s’est en effet considérablement rapprochée de l’UE. Désormais, nous participons aux activités du «club européen», par le biais des accords bilatéraux, nous appliquons ses règles, en adaptant nos lois de manière «autonome», et nous payons même notre cotisation, sous la forme de contributions aux budgets des programmes et agences auxquels nous participons ou pour assurer la cohésion entre les anciens et les nouveaux membres de l’Union. Sur le plan politique, nous restons cependant complètement marginalisés: nous n’avons ni droit de vote lors des assemblées du club, ni la possibilité d’être élus à son comité directeur.
Au fil du temps, la Suisse est devenue une sorte de membre passif de l’UE et ses citoyens, privés des droits liés à la citoyenneté européenne, ont été réduits au rang d’Européens de 2e classe. Par conséquent, la question de l’adhésion se justifie aujourd’hui, peut-être plus que jamais, par la nécessité de parfaire cette intégration progressive mais inachevée dans les structures de l’Union européenne. Puisque nous participons et que nous payons, il serait temps de prendre part aux décisions qui nous concernent directement !
Prenons un exemple: en 1997, les États membres de l’UE s’entendaient pour fixer, à l’unanimité, un cadre de règles communes concernant la fiscalité des entreprises (le fameux «code de bonne conduite»). Dix ans plus tard, la Suisse, pourtant absente lors de cette décision, se voit sommée de s’y conformer, à l’instar des autres Etats membres de l’UE. Est-ce vraiment là l’intérêt d’un État qui se prétend souverain et démocrate?
Au-delà de la défense de nos intérêts légitimes, une adhésion à l’UE permettrait aux Suissesses et aux Suisses d’apporter une contribution précieuse au développement de l’Union européenne, de l’intérieur. Sans arrogance, mais parce que la Suisse, modèle réduit de l’Europe, a elle aussi dû surmonter ses différences pour trouver des terrains d’entente, développant pour ce faire l’art du consensus, mettant en place des structures fédérales, créant un système de péréquation financière entre ses régions. Plutôt que de pointer du doigt la Bruxelles bureaucratique, nous ferions mieux de mettre nos expériences et nos compétences au service de l’Europe!
Enfin, une participation pleine et entière au processus décisionnel de l’Union nous permettrait d’avoir un impact véritable sur la globalisation. Au lieu de cuisiner des règles et des standards face au réchauffement climatique ou aux flux migratoires tout seuls dans notre coin, nous participerions à l’élaboration de lois s’appliquant à 27 États et 500 millions de citoyens. Avec l’Europe comme levier, nous pourrions œuvrer significativement en faveur de l’avènement d’une gouvernance mondiale juste et durable.
Pour la Suisse, la question fondamentale n’est ainsi pas celle de l’adhésion à l’UE, mais plutôt celle de la place de l’Europe dans un monde globalisé et celle du rôle qu’elle-même doit y jouer en son sein. Il ne s’agit pas d’adhérer pour adhérer, mais d’accéder enfin à la table des discussions européenne sans restriction et sans discrimination. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons défendre nos intérêts et faire progresser nos idéaux sur la scène mondiale de ma-nière efficace et durable.
Nicolas Rion, Secrétaire général du Nouveau mouvement européen Suisse (Nomes)