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Juin 2016
El «resolver» cubano
Auteur : Marc Gabriel

Entre José Martí, Karl Marx, El Che et la famille Castro, Cuba arrive au bord… du monde mondialisé. Le dernier bastion marxiste de la planète (exception faite de la Chine et de la Corée du Nord) est en train de vivre des heures passionnantes et néanmoins inquiétantes. Le processus s’est enclenché en 2006. Fidel passe le pouvoir à son frère Raoul Castro Ruz. Les Cubains disent: «En cinq ans, Raoul a fait plus de bien aux Cubains que Fidel en cinquante». Oui, mais tous ne le disent pas et surtout, ne le pensent pas. Comprendre ce pays où tout fonctionne en double, le pouvoir lui-même comme l’économie, voire même le parti unique et tout ce qui s’en suit n’est pas aussi «touristique» qu’il n’y paraît!

La visite du président Obama à Cuba a été saluée par la plupart des Cubains comme une promesse de libéralisation prochaine. Soigneusement organisée et parfaitement contrôlée, cette visite est à l’image du pouvoir cubain actuel. D’une part, Raoul Castro dirige avec intelligence une équipe gouvernementale composée de jeunes ministres (celles et ceux qui ont moins de soixante ans) très bien formés et parfaitement au courant des nécessités comme des vicissitudes de la mondialisation, pendant que, parallèlement, la vieille garde, (ceux qui ont huitante ans et plus) dont Fidel reste le maître, fait de la résistance. Quarante-huit heures après le départ d’Obama, Fidel a publié un long article très critique, voire carrément incendiaire à propos de la visite présidentielle. C’est comme ça à Cuba, d’un côté, on réforme, prudemment, lentement, avec mesure et de l’autre on ne ménage pas la critique, soulignant avec emphase et parfois même un peu de colère les dangers de cette «américanisation» rampante.

Mais, le drame vécu après «l’abandon» des années 90, suite à la disparition de l’Union soviétique et avec elle, son soutien économique, auquel il faut ajouter les ouragans des années 2000, ont mis l’île à genoux. Plus rien, sinon la famine. Pénurie de denrées alimentaires, comme d’à peu près tout! Plus jamais ça, disent en chœur les Cubains! Aujourd’hui, les jeunes générations goûtent sans vergogne aux «délices» de la consommation. L’ancienne plaisanterie cubaine, qui disait: «Ils (l’État) font semblant de nous payer, alors nous, on fait semblant de travailler» n’a plus cours, si ce n’est chez les petits retraités et chez ceux qui n’ont pas encore accès aux «délices» de l’économie libérée.

Le meilleur ambassadeur de Cuba est le cigare cubain. Raul Roa Couri

Une part de plus en plus importante de la population accède plus ou moins vite, et grâce ou à cause du tourisme à cette forme de libéralisation. Ça passe par les «casas particulares» où logent les touristes (presque tous) et les transports en «taxi» qui transforme toute voiture particulière (y compris les vieilles – requinquées et rerere-bricolées génialement aux moteurs japonais – limousines américaines) en taxis non officiels, mais tolérés. Ajoutez-y les restaurants d’Etat ou privés et vous avez une bonne grosse moitié de la population qui vit de ce tourisme, lequel rapporte au pays une devise étroitement surveillée par le gouvernement, le peso convertible qui est à parité, artificielle mais solide, avec le dollar… américain.

Ce peso convertible, dit le «CUC» est inévitable pour tout visiteur de l’île. A votre arrivée à La Havane, on changera vos francs, vos euros ou vos dollars en CUC. Mais le petit peuple, lui n’a droit qu’au CUB, qui vaut 24 fois moins que le CUC. C’est avec cette monnaie là (le CUB) que l’Etat paie les salaires. Autrement dit, ces gens là n’ont quasiment rien. Et comme il faut bien manger, on se débrouille comme on peut. Cette double économie ralentit encore le processus de libéralisation et jusqu’à ce que tous aient accès au CUC, il faudra encore attendre quelques années.

A part ça, le double pouvoir, la double économie, adroitement distillés par une dictature plutôt maligne, vous respirerez à Cuba un air de liberté incomparable. Pas de publicité commerciale, mais quelques vantardises murales marxistes révolutionnaires assez drôles et finalement «touristiques». Pas de presse internationale mais une distribution gratuite de la bonne parole gouvernementale ou du parti, la plupart des Cubains s'en fichent d'ailleurs; pour les «noticias» et les «telenovelas» dont ils sont friands, ils ont la télé par satellite. Pas de racisme, la mixité raciale ne pose aucun problème dans l'île, et c'est franchement une réussite. Pas de sexisme, l'égalité n'est pas un vain mot à Cuba. Pas de terrorisme… (on est bien loin de l'Europe). Pas de pollution (en dehors de La Havane), mais une agriculture sans engrais chimique (grâce au blocus, Cuba a échappé à Monsanto). Et enfin, l'équipe nationale de baseball a battu les Américains à l'occasion de la visite d'Obama, que demander de plus? Le blocus? Il fait aujourd’hui sourire les Cubains, même s’il est «politiquement correct» de s’en plaindre. Restent les «mythes», la Revolución, Che Guevara en particulier, mais à y regarder de près, le Che est devenu une industrie… touristique, florissante d’ailleurs. Signe des temps, il est en train d’être rejoint par… Ernest Hemingway.

Cuba! Un Paradis, riche de multiples trésors naturels et historiques qu’il faut vous dépêcher d’aller voir avant que l’île ne sombre corps et âme dans la mondialisation. Mais qui sait? Peut-être que d’ici là, la mondialisation elle même sera morte avant que Cuba n’y soit totalement convertie!


Le titre de cet article est une formule difficilement traduisible qui souligne cette façon unique et intelligente de faire face à l’adversité et à résoudre les multiples problèmes induits tant par le «bloqueo» (le blocus) que par la double économie ou la dictature.

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