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Octobre 2014
J'ai de la peine avec la démocratie
Auteur : Bernard Walter

Je voudrais dire pourquoi je suis un abstentionniste potentiel. J'exprime ici bien entendu un point de vue personnel, mais je crois que d'autres pensent semblablement, que cela soit de façon ouverte ou dans le secret de leur esprit.

Je vote, c'est vrai, mais seulement sur certains objets.

Et je vote sans la moindre confiance dans le système politique qui régit la Suisse autant que le monde. Ce système, que j'appelle politico-militaro-financier, est placé sous la gouvernance de l'argent, lequel est devenu, dans la société des hommes d'aujourd'hui, la valeur absolue qui détermine les actions et les pouvoirs. C'est l'argent qui commande les actions les plus absurdes de l'homme contemporain: guerres, inégalités sociales, destruction du milieu naturel.

Nous en vivons en ce moment chez nous un exemple assez significatif avec le vote sur la caisse-maladie publique. Le seul mobile qui détermine la propagande insensée pour un système de santé et d'assurances insensé, reposant sur une multiplication de caisses-maladie qui font toutes quasiment la même chose dans le domaine des soins dits «de base», c'est l'argent. Le tout est placé sous la baguette de l'industrie pharmaceutique et des assureurs qui imposent un type de médecine et de soins auquel hôpitaux, soignants et soignés doivent bien se soumettre. A la fin de l'année, les pilotes de ce système ne comptent pas les bien-portants et les malades, ils comptent leurs sous.

Lors des consultations populaires qui comportent un réel enjeu, l'argent est un facteur de campagne déterminant. En règle générale, celui qui a l'argent gagne. Il a à sa disposition l'espace public sous toutes ses formes pour faire comprendre à l'homme de la rue que celui qui ne vote pas comme il doit vote contre l'intérêt du pays, que le pays va courir à sa ruine. A la limite, cet homme qui ne vote pas ce qu'il doit est un mauvais Suisse. L'argumentation proposée importe peu, tous les coups sont bons, ce qui importe, c'est le résultat. Il n'est que prendre pour exemple l'initiative sur les inégalités salariales, proposée par de jeunes citoyens, lesquels n'ont pas manqué de se faire houspiller lors de la campagne.

Reprenons l'exemple du vote sur la caisse-maladie publique. Les caisses-maladie ont leur journal luxueux distribué à la clientèle, où se mélangent informations pratiques, offres promotionnelles commerciales et propagande, tout ça payé par l'argent de nos cotisations. Avec ce moyen, elles s'offrent un tout ménage fédéral gratuit pour leur campagne. Avec des outils de propagande de 50 contre 1 (c'est un rapport de force tout à fait subjectif qui me vient spontanément à l'esprit), il n'y aurait pas vraiment à s'étonner si l'organisation sociale absurde qu'elles veulent imposer l'emportait, une fois de plus. Dans un tel système de consultation populaire, où est la démocratie?

Lorsque d'aventure l'argent ne gagne pas, cela signifie une véritable adhésion populaire à l'objet voté. C'est le signe d'un véritable changement. Les pouvoirs dominants font alors tout ce qu'ils peuvent pour contourner le résultat du vote, tergiversent et laissent passer du temps pour que le soufflé retombe. On a pu le voir avec l'«Initiative des Alpes» et avec la «Lex Weber».

Ce n'est que sur un enjeu très circonscrit et concret que le vote ne semble pas pouvoir être contourné, un achat d'avions par exemple, vote symboliquement fort, mais qui reste anecdotique.

Voter, c'est bien. Mais finalement, qu'est-ce que cela change? Qu'est-ce que cela change de la Suisse, qu'est-ce que cela change du monde?

En Suisse, on a des avions militaires moins neufs qui arrosent le ciel de leurs vols inutiles. Mais sinon? Est-ce que nous sommes si différents des pays voisins où l'on ne vote pas?

Participer aux consultations populaires en votant sur les objets qui nous sont proposés est une chose. Mais je ne peux pas en rester là. Alors comment m'engager, que faire? Vaste chapitre que l'action citoyenne dans notre société! Qui sort du cadre de cet article. Mais on peut en indiquer des directions.

Une première réponse, c'est penser. Penser le monde est un acte de résistance. A partir de là, c'est créer des réseaux solidaires autour de soi. C'est sortir de la mentalité de concurrence, c'est faire non contre les autres, mais avec les autres, non contre la nature, mais avec la nature, avec les animaux, et non contre eux. Une société différente est à rechercher et inventer, qui passe nécessairement par un retour à des relations de proximité. C'est ainsi que chaque citoyen peut se sentir acteur de la société et reprendre du pouvoir sur sa vie.

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