Logo Journal L'Essor
2024 2023 2022 2021 2020 2019 2018
2017 2016 2015 2014 2013 2012 2011
2010 2009 2008 2007 2006 + 100 ans d'archives !
Rechercher un seul mot dans les articles :
Article suivant Numéro suivant
Numéro précédent Article précédent   index de ce numéro

Août 2011
Le gaspillage, pilier de l’économie de marché
Auteur : Pierre Lehmann

Le gaspillage est indispensable à la croissance économique. Gaspillage et croissance sont les deux faces d'une même pièce de même que le déchet est le complément inévitable du profit.

Si on met de côté les activités humaines indispensables comme par exemple l'agriculture, l'habillement (mode exclue), l'entretien de l'habitat, etc., on travaille aujourd'hui surtout pour l'obsolescence. Un téléphone portable en remplace un autre qui pourtant fonctionne encore bien et il en va de même pour quantité d'appareils ménagers, pour des appareils de photo, des voitures, des télévisions et j'en passe. L'obsession de la croissance économique a même poussé à la camelotisation pour réduire la durée de vie de certains objets. L'exemple type est l'ampoule électrique à incandescence dont la durée de vie a été ramenée de 2500 heures à 1000 heures par l'introduction d'un gaz corrosif, ceci pour en augmenter les ventes (voir Zeitpunk No 144, juillet 2011). La promotion du gaspillage est l'objet principal de la publicité, activité à la limite de la sottise qui, selon une remarque du professeur Jacques Neirynck, agit en deux temps:

Cette remarque met bien en évidence que la réflexion sur les besoins devrait précéder la production, alors qu'aujourd'hui c'est l'inverse: on produit d'abord et la publicité se charge de faire vendre ce qui a été produit. Cette publicité est devenue une activité économique très importante qui contribue fortement au PNB et a donc le soutien inconditionnel des pouvoirs économiques et politiques. Pour réduire son importance, il faudrait développer un «anti-réflexe»: ne pas acheter les produits pour lesquels on fait de la publicité. N‘acheter que les produits que l'on peut voir et donc non emballés, ce qui est le cas, par exemple, quand on achète sa nourriture au marché ou dans une épicerie. Il s'ensuit qu'une des premières mesures pour réduire le gaspillage est de ne plus faire ses achats dans les grandes surfaces. Cela aurait en plus l'avantage d'éviter la ruine des petits commerces et de favoriser l'économie de proximité. De plus, on pollue moins en allant faire ses achats à pied avec un filet à commissions plutôt qu'en voiture.

Avant de bâtir la tour, il faut calculer la dépense.
— Évangile selon saint Luc

Dans un livre publié en 1997, intitulé L'Energie au futur (Editions d'en Bas), l'ADER (Association pour le développement des énergies renouvelables) a montré que la disparition des énergies non-renouvelables – pétrole, gaz naturel, nucléaire, charbon – impliquait pour la Suisse une réduction d'un facteur 4 de la consommation d'énergie. Cette consommation résiduelle peut être satisfaite par les énergies renouvelables: solaire, hydraulique, biomasse, et suffirait à satisfaire les besoins de la population tout en maintenant une activité économique raisonnable. Mais à condition qu'on devienne efficace dans l'utilisation de l'énergie. C'est loin d'être le cas aujourd'hui.

À 150 millions de kilomètres de la Terre, le soleil m'envoie suffisamment d'énergie sur les 4 m2 de panneaux solaires que j'ai sur mon toit pour faire toute l'eau chaude dont j'ai besoin de mars à octobre, ce qui en dit long sur la puissance du soleil. En hiver, je fais l'eau chaude avec le bois en même temps que je chauffe la maison. Il s'agit de bûches de bois que je dois préparer moi-même et implique donc un certain travail que je peux réduire par une bonne isolation et en abaissant la température dans les chambres. Il y a donc une relation positive entre l'efficacité et le travail à fournir.

Le gaspillage qui me paraît aujourd'hui le plus inquiétant est celui de l'eau. Ce gaspillage provient en bonne partie, à mon avis, de la pratique idiote de faire caca dans l'eau potable, pratique qui a été généralisée et jamais remise en question par les autorités. Elle est certainement responsable du fait que l'eau est considérée aujourd'hui comme une commodité sans grande valeur puisqu'on peut l'utiliser pour évacuer à peu près n'importe quoi. Pourtant l'eau a des propriétés très particulières et indispensables à la vie, pas seulement celle des poissons. C'est la seule substance dont la phase solide est plus légère que la phase liquide, sans quoi les banquises seraient au fond de la mer et le climat fort différent.

La capacité calorifique de l'eau passe par un minimum à une température de 37o C environ, qui est la température de la plupart des animaux à sang chaud. Or, l'existence d'un minimum permet en principe une régulation. On peut donc penser que la température de notre corps est au moins en partie la conséquence des propriétés physiques de l'eau. A cela s'ajoute son rôle fondamental dans tous les métabolismes du vivant. Une telle substance mérite un certain respect, un peu comme s'il s'agissait d'une «divinité». La moindre des choses serait de la considérer comme un bien commun et pas seulement comme un moyen de faire des affaires. La fourniture de l'eau ne devrait jamais être privatisée mais relever de la responsabilité des services publics.

Depuis 1980, j'ai chez moi une toilette à compostage, donc une toilette n'utilisant pas d'eau du tout. Le compost produit est utilisé dans le jardin, en particulier pour faire pousser des pommes de terre dont j'ai la faiblesse de penser qu'elles sont bien meilleures que celles que l'on trouve dans le commerce. Le cycle naturel est ainsi fermé correctement alors qu'avec les WC, égouts et stations d'épuration, cela n'est guère possible. Il s'agit d'un système peut-être commode, mais qui produit des boues toxiques dont on ne sait pas bien quoi faire. C'est que dans les égouts ne circulent pas que des déjections humaines mais toute une panoplie de produits chimiques que la nature ne connaît pas.

Pour finir, il me semble utile de rappeler que l'eau de pluie est bonne  à boire et plus généralement à satisfaire tous nos besoins en eau comme la cuisson des aliments et les ablutions corporelles. Depuis pas mal d'années, je récolte l'eau qui tombe sur mon toit dans une citerne et m'en sers dans le ménage. Je suis toujours étonné d'apprendre que par fortes pluies provoquant des inondations, il y a des gens qui sont privés d'eau potable.

Espace Rédaction    intranet
© Journal L'Essor 1905—2024   |   Reproduction autorisée avec mention de la source et annonce à la Rédaction  |       Corrections ?