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Juin 2010 °
Le mur invisible
Auteur : Emilie Salamin-Amar

Parfois je me demande jusqu'où ira-t-on, quand verrons-nous enfin le mur de la saturation? Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale on nous encourage à consommer. Il est vrai qu'à cette époque lointaine bon nombre de foyers ne disposaient pas encore d'un minimum de confort, à commencer par l'eau courante, une salle de bains, une ligne téléphonique, un presse-purée, un appareil électroménager. En ce temps béni de reconstruction, tout un chacun revendiquait le droit à la consommation. Le temps des privations est fini! Nous sommes libres de posséder tout ce qui se fabrique sur le marché. Mieux! C'est devenu un droit civique, sacré, associé au rêve, au bonheur, à la raison même d'exister. La nouvelle devise depuis est: je possède, donc je suis.

Mais, jusqu'où ira la course à la possession d'objets inutiles que nous fabriquent nos industries? A quand la prise de conscience du fait que le mot libéralisme n'est qu'un leurre, l'opposé du mot liberté. Alors que l'on nous fait croire que nous sommes libres, nous sommes bel et bien manipulés par les médias et la publicité. Sournois, le désir d'accumuler encore et encore des objets, des trucs inutiles, s'est propagé tel un virus autour de la planète. Assommés, pollués, matraqués par la pub, notre modèle idéal du bonheur est symbolisé, pour une grande majorité de personnes, par une cuisine équipée ou une voiture 4x4 de préférence. Au nom de la libre entreprise on nous surveille grâce aux caméras installées à chaque coin de rue dans les villes. Alors que nous avons le nez dans nos caddies, isolés du monde par une musique venant de nos iPod ou les yeux rivés sur nos consoles de jeux, insouciants, d'autres jouent avec nos émotions. Ils utilisent la peur et au nom de la sécurité ils nous ont fabriqué des papiers d'identités biométriques pour mieux nous ficher. A quand la puce sous-cutanée obligatoire équipée d'un système GPS afin de mieux nous tenir en laisse invisible? Est-ce donc cela la libre concurrence, la liberté, le progrès?

A quoi bon acquérir des postes de télévisions aux écrans plats, de plasma, dits cinéma, si l'on ne dispose pas de suffisamment de recul dans son salon? Pourquoi souscrire à un abonnement chez un hébergeur pour capter plus de cent chaînes de programmes de télé? A rien! Et pour cause, je me suis amusée à imaginer comment je procéderais si j'avais ce genre de commodité chez moi. Il me faudrait disposer chaque jour de quelques bonnes heures afin de pouvoir éplucher le programme du jour pour faire le bon choix. Tâche trop fastidieuse qui nécessite en outre de prendre des notes ou d'avoir une bonne mémoire. La facilité qui nous est alors offerte est de zapper. Passer d'une chaîne à l'autre, juste le temps d'apercevoir deux ou trois images au passage. Arrivée au bout de la centième chaîne, ma soirée est bien avancée et le besoin de me mettre au lit se fait ressentir. Saoulée par le défilé accéléré de quelques trois cent images, la cervelle vidée, essorée, je plonge dans les bras de Morphée et rêve du mur de la bêtise humaine en couleurs et en 3D.

Alors que certains esprits éclairés crient haut et fort que nous allons droit dans le mur, d'autres ne savent même pas de quel mur il est question. Il est vrai que pour une majorité de gens, ce n'est qu'au pied du mur, que l'on voit le mur… après être rentré dedans!

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