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Juin 2010
Les dérives du néo-libéralisme

Néolibéralisme: il est urgent... de ne rien changer!

«Le modèle néolibéral a suscité une hausse des profits par la compression des salaires, mais en vendant de plus en plus à crédit et en détournant une part croissante des investissements vers des activités spéculatives».

Cette analyse, tirée du bimensuel SolidaritéS du 3 juin dernier, résume bien ce qu'est le néolibéralisme. Aujourd'hui, on le considère comme responsable de tous les maux qui frappent notre planète. A tort ou à raison, on l'accuse d'avoir provoqué l'accroissement des inégalités sociales, la crise économique que traversent de nombreux pays, le dysfonctionnement des banques et même la détérioration de la nature et du climat.

Dans son «Dictionnaire incorrect», Jean-François Kahn, journaliste et député européen, donne la définition suivante: «Le néolibéralisme est au libéralisme véritable ce que le stalinisme fut au socialisme, à la fois sa prolongation et sa totale perversion.» Plus loin, il enfonce le clou: «Les néolibéraux constituent une secte. D'abord, ils ont leur propre Dieu, «le marché». Comme toutes les divinités uniques, celle-ci est invisible, immatérielle, omniprésente, intemporelle et incontournable. Elle est à la fois le vrai, le bon, le droit et le juste.»

Les vrais libéraux rêvent d'une propriété diffuse; le néolibéral d'une propriété concentrée, fût-ce au prix d'une ruine de la petite propriété. Le libéral est obsédé par la diversité et la pluralité; le néolibéral trouve, au contraire, tout à fait normal qu'il y ait concentration dans les entreprises et dans la presse. Le libéral est soucieux de l'égalité d'accès au marché; le néolibéral, à l'inverse, considère qu'il est essentiel de contrôler, puis de protéger des parts de plus en plus importantes du marché.

Au plus fort de la récession, le néolibéralisme était unanimement condamné. Mais ceux qui avaient provoqué la dégradation de la situation et qui s'étaient rempli les poches sans scrupules étaient aidé par les États. Les banques notamment, qui accordent des millions de francs de bonus à leurs dirigeants, étaient renflouées avec l'argent des contribuables.

«Plus jamais ça», entendait-on, aussi bien à droite qu'à gauche de l'échiquier politique. Avec des trémolos dans la voix, les uns et les autres promettaient des changements, des lois plus contraignantes, des règles plus éthiques, des normes plus morales. Et soudain, la situation s'est améliorée, les exportations ont retrouvé leur croissance et la consommation a repris des couleurs. Et, du même coup, certains ont oublié leurs bonnes résolutions.

A cause du néolibéralisme, certains États se sont ruinés. On parle beaucoup de la Grèce en ce moment, mais d'autres pays seront bientôt touchés. Pour diminuer leur dette, ils demandent un effort démesuré aux fonctionnaires et aux classes les plus défavorisées. Mais pas d'impôts supplémentaires pour les riches, pas de ponctions sur les grosses fortunes. Et, le comble de l'obscénité, c'est que les banques, celles-là même qui ont été sauvées grâce à l'argent des États, pratiquent des taux usuraires pour venir au secours des pays endettés. En réalité, ce n'est pas les pays concernés qu'elles aident, mais elles-mêmes.

Sur le plan fédéral, on assiste ces jours à de spectaculaires retournements de veste. La droite et l'extrême-droite refusent de fixer des conditions plus sévères pour encadrer l'économie et les banques et leur éviter de nouveaux dérapages. C'est ainsi qu'ont été refusées une taxation plus forte des bonus, l'introduction d'une fiscalité plus juste et une meilleure régulation des marchés.

Dans son soutien forcené aux puissants lobbys de l'économie, la majorité du Parlement fédéral a aussi rejeté l'idée de taxer les automobilistes pour faire diminuer les émanations de CO2.et refusé que l'accord fiscal avec les États-Unis soit soumis au peuple par le biais d'un référendum facultatif. Et dire que l'UDC se proclame le champion des droits populaires!

Moralité: il y a un décalage énorme entre ce que veut le peuple et ce que décident leurs représentants à Berne. Avant de déposer son bulletin de vote dans l'urne, il serait bon de connaître les positions effectives des parlementaires.


«On apprend, dans les cours d'économie, en particulier dans les grandes écoles de commerce, que la main invisible du marché régule spontanément les rapports entre producteurs et consommateurs médiatisés par des marchandises et des services. Mais quand on découvre que la haute-finance, qui ne produit aucune marchandises ni aucun service réel, et ne nécessite ni producteurs ni consommateurs, brasse des sommes 50 fois plus importantes que l'économie réelle… où est la morale? Où est la logique.»

Jean-François Kahn


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