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Août 2006
Mystérieuse créativité
Auteur : Christiane Bonder

Parlons ici de la créativité pure, celle qui, à l’improviste et de manière fulgurante, envahit l’être dans sa totalité. L’artiste se fait alors passeur d’images ou de mots. Une créativité sans projet ni plan, sans même qu’affleure un germe de finalité. Dès lors, l’acte créatif découle du mystère et ne peut que s’appréhender dans un ferment de réceptivité-sensibilité-intuition. Il est le lien entre le dehors et le dedans, l’ici et l’ailleurs, le visible et l’invisible, dépourvu de toute volonté, de toute ambition. L’artiste se laisse simplement emporter vers un monde inconnu.

La poésie en est l’exemple le plus parlant et les auteurs de cet art subtil ont expliqué ce phénomène, à savoir que les premiers vers du poème leur sont précisément dictés. L’artiste, dans un état de vacuité et d’ouverture totales, libre de toute initiative personnelle et de toute pensée, accueille des mots qu’il est urgent d’écrire dans l’instant furtif. Le scribe n’est qu’un serviteur effacé tandis que s’élabore le poème. Autre mystère encore dans le fait qu’il est impossible de saisir la cause de cet irrépressible besoin créatif: une vision fugace, un fait divers, un souvenir lointain, une musique… Il semblerait que la créativité spontanée parte du rien pour aboutir au tout.

Georges Haldas, dans «Les sept piliers de l’état de poésie», compare la genèse du poème «à l’expérience vitale de la maternité chez la femme. En ce sens que celle-ci n’est nullement la créatrice de l’enfant qu’elle va mettre au monde. Elle a reçu de l’homme la semence. A partir de quoi va s’élaborer en elle cette merveille de la création qu’est la personne humaine. En ce sens, elle n’est donc pas créatrice de l’enfant à venir, elle n’en est que l’agent, qui d’ailleurs lui confère un rôle primordial et une dignité qui ne l’est pas moins».

Quelles qu’en soient la forme et la texture, lorsqu’une oeuvre d’art nous émeut, nous parle, elle contient précisément cette fulgurance initiale, même s’il s’ensuit parfois un long travail de réalisation (sculpture, peinture, autres pratiques). L’artiste est complètement détaché de lui-même et seules ses mains travaillent, inspirées par la profondeur de l’être en constante relation avec l’au-delà. Cette sincérité, cette honnêteté ne peuvent que toucher, troubler l’observateur, puisqu’il y a échange d’une intériorité et d’une sensibilité à l’autre. L’oeuvre devient un miroir qui révèle ce que l’on ressent sans savoir l’exprimer, une étincelle qui interpelle notre nature intime, nos propres émotions; elle nous transforme, nous transporte. Quelle personne n’a pas éprouvé un regain d’énergie nouvelle, revivifiante, suite à la lecture d’un texte poignant, à la visite d’une remarquable exposition?

Dans l’éducation de la société, les artistes jouent un rôle plus important que celui qu’on ne leur prête en général. L’art apaise et enrichit. Il est le lien, l’échange nécessaire à une part d’harmonie entre les hommes, un langage universel qu’il serait judicieux de cultiver dans le monde actuel, Apprécions- le, surtout lorsqu’il contient ce mystère de l’étincelle primordiale qui émane de la même source, où que l’on se trouve sur la planète…

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