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Août 2020
Il est nécessaire de revoir l’échelle des valeurs
Auteur : Rémy Cosandey

Au cours de ces dernières dizaines d’années, l’échelle des valeurs s’est profondément modifiée. L’empathie, la franchise, la sincérité, la solidarité et la spiritualité ont peu à peu été supplantées par la valeur qui malheureusement dirige le monde aujourd’hui: l’argent. Partout, la politique est davantage dirigée par l’intérêt des gouvernements plutôt que par la volonté de contribuer au bien du peuple.

Comme un lecteur le rappelle (page 2), il y a 438.000 millionnaires en Suisse (hors maison ou appartement propre). Si chacun d’entre eux donnait 100.000 francs, on disposerait d’un capital de plus de 43 milliards de francs, ce qui permettrait de couvrir les dépenses (chômage partiel, prêts aux entreprises et aux commerçants, achat de matériel médical) qui ont été consenties pour limiter les dégâts de la pandémie. Il est permis de rêver!

La moindre injustice, où qu’elle soit commise, menace l’édifice tout entier.
– Martin Luther King

Priorités aux opprimés

Comment j’espère l’après-coronavirus? Sur le plan suisse, je souhaite que le système néolibéral, qui a creusé les inégalités et les injustices, soit combattu plus énergiquement. Je partage cette déclaration d’Orwell: «Le mouvement socialiste a autre chose à faire que de se transformer en une association de matérialistes dialectiques; ce qu’il doit être, c’est une ligue des opprimés contre les oppresseurs». Quitte à se retirer du Conseil fédéral, le Parti socialiste doit prendre conscience qu’il doit revenir à ses fondamentaux et se préoccuper prioritairement du sort de ceux qui ne profitent pas de la prospérité. Mais, pour cela, il faut qu’il réapprenne à redescendre sur terre. Citons encore Orwell: «Ce qui me dégoûte le plus chez les gens de gauche, particulièrement chez les intellectuels (ndlr: il y a heureusement de belles exceptions), c’est leur ignorance crasse de la façon dont les choses se passent dans la réalité».

Je rêve aussi que les Suisses perdront un peu de leur individualisme et qu’ils retrouveront le plaisir des rencontres avec d’autres personnes. Avec le développement de la télévision et l’arrivée du smartphone, les contacts directs sont devenus de plus en plus rares et les sociétés, qu’elles soient culturelles ou sportives, s’affaiblissent ou disparaissent.

J’émets enfin le vœu que les gens réfléchissent aux incohérences dont ils sont responsables. Il est illogique de vouloir payer moins d’impôts et de réclamer davantage de prestations de la part des autorités. Il est déraisonnable de déplorer la fermeture des petits magasins et d’aller faire ses courses de l’autre côté de la frontière ou par Internet. Il est inconséquent de dénoncer l’esclavage ou la dégradation du climat et d’utiliser sans modération des téléphones portables qui consomment beaucoup d’énergie et qui contiennent des matériaux extraits de mines africaines ou sud-américaines par des enfants de 12 ans.

Nous surmonterons cette crise si nous nous concentrons sur ce qui est en notre pouvoir et sur ce que nous pouvons changer. Le monde est plein de possibilités. Cela nous donne de l’espoir et de l’optimiste.
– Michel Lagger
Ancien président de la
Société philanthropique Union

Hypocrisie et manque de courage

Sur le plan international, je rêve d’une Europe plus sociale et plus écologique. Je souhaite aussi que les 27 pays membres de l’Union européenne se préoccupent davantage de la justice fiscale que des cadeaux consentis pour attirer de nouvelles entreprises. J’espère que la Commission européenne aura le courage de mettre en œuvre une véritable politique de redistribution entre les pays riches et les pays pauvres et qu’elle cessera d’aider les régions les plus favorisées.

L’Europe doit prendre conscience qu’elle détient une force économique considérable et qu’elle doit assumer son indépendance vis-à-vis d’autres grandes puissances, notamment les Etats-Unis et la Chine. Il n’est pas normal de dépendre à 80% de l’Asie pour la fourniture de masques de protection ou de médicaments. Il est aussi regrettable que certains pays, pour des raisons purement économiques, aient sacrifié leur industrie.

Une des faiblesses de l’union européenne, c’est qu’elle s’est agrandie trop rapidement et qu’elle n’ait pas été trop regardante sur l’esprit ultraconservateur et nationaliste de certains pays (par exemple la Hongrie et la Pologne). Je pense aussi qu’il faudrait rompre toutes négociations d’adhésion avec la Turquie.

Mon pays est le monde, et ma religion est de faire le bien.
– Thomas Paine

Un instrument antidémocratique

Au niveau mondial, j’espère que les nations consacreront plus d’argent pour améliorer leur système de santé et moins pour acheter du matériel de guerre. Je souhaite qu’elles condamnent sans équivoque le racisme et l’esclavagisme et que les pays attachés aux Droits de l’homme condamnent ceux qui pratiquent ces usages d’un autre âge.

Enfin, je considère qu’il est indispensable de supprimer le droit de veto que possèdent les 5 membres permanents du Conseil de sécurité. Cet instrument est profondément antidémocratique et empêche l’ONU de dénoncer les atteintes au droit international et les crimes de guerre. Et comment peut-on accepter que l’Arabie Saoudite, un des pays les plus obscurantistes du monde, soit membre de la Commission des Droits de l’homme?

En résumé, je souhaite que le confinement, les gestes d’entraide qu’il a provoqués et les réflexions qu’il a suscitées, incitent les gens, quels que soient leur âge ou leur nationalité, à modifier leur attitude et à œuvrer pour que le monde devienne plus solidaire et plus humain.

Rémy Cosandey

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