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Cette crise que nous traversons est déjà entrée dans l’Histoire. Nous pourrons tous dire: je l’ai traversée, de loin ou de très près, y ai survécu, peut-être perdu des proches, sans compter ceux qui auront des «faits d’armes» à raconter et les autres, bien confinés mais pas moins angoissés. On y aura constaté que ce sont les métiers les plus invisibles qui ont su nous faire traverser cette épreuve, avec de bien charmants applaudissements pour se consoler, et saluer d’abord les infirmières et les médecins, puis les caissières, les enseignants, oubliant un peu vite dans la débandade générale, les transporteurs, les nettoyeurs, les employés communaux, les dépanneurs en tous genres.
On aura murmuré que, curieusement, ce sont surtout des métiers mal rémunérés, et pourtant vitaux, à la fois si précieux et si vite oubliés. Beaucoup se seront rués sur les commandes en ligne, sans trop se soucier de l’énergie électrique consommée et de la force physique de tous ceux qui ont préparé et transporté la dite commande dans des conditions de travail maltraitantes. La reconnaissance souhaitée n’est visiblement pas encore une vraie urgence, d’autres étant prioritaires…
Avec tous ces évènements, il nous a été offert du temps libre pour réfléchir et tenter de prendre de nouvelles dispositions, encouragés à se tourner vers des productions locales, écologiques, et réduire les déplacements et la consommation au strict minimum. Du coup, on peut se poser la question de savoir si le bio d’ailleurs est plus judicieux que le classique d’ici. A-t-on le temps, l’énergie, les bonnes connaissances pour faire sa lessive, ses savons, son dentifrice, ses légumes, ses conserves, à la maison et à charge essentielle des femmes? Est-ce que cette tournure d’esprit tiendra sur la longueur quand tous les petits commerces, et les grands, prient tout leur panthéon pour que les citoyens reprennent leurs bonnes vielles habitudes consommatoires pour pouvoir remonter la pente? Beaucoup de questions, peu de réponses franchement claires.
Prenons par exemple l’enthousiasme déclenché par la découverte des biocarburants: au départ, imaginer que les déchets agricoles et alimentaires puissent être transformés en énergie avait de quoi susciter de grands espoirs. Maintenant qu’on apprend que la demande est telle qu’il faut transporter par d’immenses tankers, polluants à souhait, des produits venus du monde entier au détriment de terres agricoles, de forêts, de communautés indigènes, laisse pour le moins pantois.
En prenant chaque point, chaque geste quotidien, l’un près l’autre, on réalise bien qu’il est extrêmement complexe d’avoir une vision globale de l’ensemble des tenants et aboutissants autour d’une démarche qui se veut écologique. Usera-t-on moins de produits chimiques mais plus d’eau, plus de travail physique pour un résultat parfois mitigé? Les forces engagées pour la recherche de solutions portent en elles de nouvelles limites et résistances qui donnent un terrible sentiment d’impasses, de pièges difficilement surmontables. Il est à noter que chacun estime faire des gestes concrets pour réduire son empreinte carbone et trouve toutes sortes d’arguments, parfois très légers, pour ne pas dire incohérents, pour justifier les efforts qu’il ne peut ou ne veut pas engager.
L’avenir ne sera ni simple, ni confortable; à cet égard, la facilité et le confort nous ont installés dans une pente glissante passablement vertigineuse. Alors que reste-t-il à faire, suite à ce constat? Peut-être pourrait-on commencer par consommer moins, mieux, prendre le temps de choisir le plus équitable, cuisiner soi-même, réduire au maximum ses déchets, c’est déjà connu, mais passer tous ses faits et gestes en revue est déjà plus complexe.
D’autre part, nous devrons en tant que citoyens sommer les instances gouvernementales, nationales et internationales, à s’élever, réguler, poursuivre les faces sombres de l’économie: les pratiques illégales, souvent effectuées dans le cadre d’activités apparemment légales – corruption, entente, extorsion, chantage, expropriation, abus de pouvoir, fraude, évasion fiscale, pollution –, résumées sous le terme de «déviance entrepreneuriale» 1 ou encore les activités légales exercées par les acteurs de l’économie criminelle – blanchiment, entreprises mafieuses –, le tout soigneusement logé dans des paradis fiscaux. Voir disparaître ceux-ci devient aujourd’hui une véritable urgence. Un sacré boulot en perspective, pour tout le monde…
Edith Samba