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Pour la grande majorité des habitants du pays, le problème des demandeurs d’asile se résume par des chiffres et des statistiques: combien de nouveaux arrivés, combien de morts en Méditerranée? Grâce à Nicolas Rousseau, il prend une autre dimension et devient terriblement humain. Au travers du parcours d’un homme et d’une femme (on apprend à la fin du livre qu’ils viennent d’Iran et du Mali), on rencontre des requérants d’asile qui doivent vivre au jour le jour, qui ne savent pas si leur demande sera acceptée ou refusée et qui ne ménagent pas leurs efforts pour s’intégrer en Suisse.
Sadegh et Virginia n’ont pas le même parcours. L’homme a fui la dictature et la femme la misère. Bien qu’issus de cultures très différentes, ils s’aiment et finissent par former un couple. Ils ont partagé les mêmes difficultés, ils ont abandonné leur sort à des passeurs parfois sans scrupule, ils ont connu les mêmes désillusions et les mêmes espoirs, ils ont été accueillis et rejetés. Ils ont fini par aboutir en Suisse, un pays à la fois généreux et fermé à cause de l’intransigeance d’un grand parti gouvernemental.
À propos des passeurs, Virginia n’est pas tendre: «Des menteurs, tous ces malfrats qui vous promettent une traversée paisible et sûre, qui en fait vous embarquent sur un rafiot voué à dériver au gré des courants! Et quand certains daignent rester à bord et que le bateau finit par chavirer, ce sont les premiers à grimper dans les canots de sauvetage! Au lieu d’assumer alors leurs responsabilités, ils se fondent rapidement dans la foule des naufragés».
Quand à Sadegh, il critique vertement son pays d’origine: «Marre de tous ces politiciens qui mangent à la même soupe, de ce gouvernement hypocrite et vendu qui néglige le bien du peuple! Tout ce qu’il réussit, c’est de pousser la population vers des religieux qui les détournent des vrais problèmes, qui lui demandent de ne plus regarder que vers l’au-delà!»
Dans un livre publié en 2007, une personne citée par la pasteure Hélène Küng disait: «Notre vie est une vie de peur. Nous ne savons pas ce que demain sera et quelle direction aura notre vie». En 12 ans, la situation n’a malheureusement pas changé. C’est le mérite de Nicolas Rousseau de le rappeler et d’illustrer toutes les facettes de la migration.
Rémy Cosandey