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Quand je parle de ma mort, la réponse de mes interlocuteurs est toujours la même: «On ne peut pas savoir la date; pour tout le monde, c’est la même incertitude». J’ai beau dire que, oui, mais étant donné mon âge – très avancé – elle s’approche vraiment, elle est imminente. Et c’est reparti: «Vous n’en savez rien, c’est peut-être moi qui vais partir». J’ai beau dire: «Vous êtes à la fleur de l’âge, vous n’avez aucun risque de disparaître, vous êtes en bonne santé». Non, non, c’est moi qui vais partir et ça me rend triste: je ne verrai plus les perce-neige l’an prochain, ni les jonquilles, ni les cyclamens. J’ai la chance de les voir encore cette année parce que le printemps est précoce. On me tourne le dos, j’ennuie avec mes prédictions stupides.
Un jour, j’ai rencontré un vieux, plus vieux que moi. Il m’a dit: «Bonjour, vous avez vu le ciel comme il est bleu, on dirait un miroir, et les oiseaux sont de retour. Vous entendez les tourterelles turques, elles n’arrêtent pas de roucouler. Même les corbeaux font leur nid. Il y en a une paire qui casse les petites branches de mon robinier pour aller faire son nid dans le grand sapin du voisin. C’est le printemps, profitez-en, regardez-le bien, tous les jours, il ne dure pas longtemps». Voilà qui m’a donné à réfléchir, je n’ai plus parlé de ma mort à tout bout de champ.
Mais ce sont les journaux qui ont commencé à parler de celle, qui devrait survenir mais qui se fait attendre, celle de Bouteflika, le président de l’Algérie. Il est actuellement à Genève (ndlr: il en est reparti le 10 mars), hospitalisé. Il n’y a pas d’hôpitaux dans son pays, mais des manifestations importantes, sans violence, parce qu’il veut se représenter pour un cinquième mandat alors qu’il est malade et que ses concitoyens n’ont pas entendu le son de sa voix depuis plusieurs années. Ils ne veulent pas qu’il s’inscrive pour un cinquième mandat et surtout ils ne veulent plus du système de corruption qui les gouverne. Ils ont réussi à le faire renoncer à un cinquième mandat, mais pas à renoncer à la présidence, alors ils continuent à manifester. Ils sont fatigués de ce vieil homme qui ne dirige plus le pays, mais qui l’endort et le conduit à la misère.
Pourquoi la mort ne veut-elle pas de ce vieillard alors que tout un peuple la lui demande, sans faire couler le sang. Où est la justice? Des enfants meurent chaque jour juste pour faire pleurer des mamans et des papas. Mais parce qu’il est président de l’Algérie, Bouteflika ne peut pas mourir, il faut qu’il continue encore et encore, que la jeunesse de son pays soit au chômage, sans travail, alors qu’il peut s’offrir un avion pour l’emmener et chercher à Genève, le faire soigner là où on est certain que ça coûte le plus cher possible, et que grâce à toutes ces magouilles organisées par ses sbires, le pays s’enfonce un peu plus dans la misère. Il a commencé ses mandats avec bonheur, il les termine lamentablement. Et la mort ne veut pas de lui!
Mousse Boulanger