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Ce «Trait libre» a été publié dans l’hebdomadaire Echo Magazine du 15 février.
Nous le reproduisons avec l’accord du rédacteur en chef de ce journal.
Absorbés par leurs écrans, nos voisins, lors de nos déplacements dans les transports publics, sont ailleurs. Pire encore, nous en prenons parfois conscience en catimini: nous ne sommes pas toujours mieux.
Dans le train ou le bus, c’est la beauté d’une lumière caressant des collines vertes ou enneigées que nous loupons; le frémissement d’argent de l’eau, un vol d’oiseaux griffant le ciel, la tendre lumière émanant des fenêtres d’un foyer ou d’une rue aux parfums visuels. Tout un monde à goûter. C’est aussi l’occasion d’échanger un sourire avec nos voisins d’un moment, parfois même de vivre ce qui se révèle être une belle rencontre.
Nous sommes si absorbés par les écrans que nous peinons à accorder l’attention minimale à un ami qui se confie à nous lorsque dans un café un téléviseur géant diffuse un match quelconque, un énième vidéoclip musical médiocre ou que notre téléphone vibre en cascade. Et je n’ose rien dire de la vie de nos familles.
Nous sommes comme dévorés par la lumière froide et fascinante de ces interfaces qui souvent ne nous donnent à savourer que bien peu de consistance, mais qui en revanche nous arrachent souvent une immense part du temps. Combien d’adolescents déphasés par des insomnies numériques, de jeunes adultes désinvoltes, d’adultes déjà dépassés et d’anciens poussés vigoureusement vers la sortie?
Pour nous apprendre à marcher, nous avons eu les mains et les encouragements de nos familles. Pour apprendre à parler, à penser, à travailler, l’éducation de nos maîtres. Mais qui saurait enseigner un usage véritablement vertueux d’internet, des réseaux sociaux ou des séries? Bill Gates et Steve Jobs eux-mêmes ont largement privé leurs enfants de l’accès aux nouvelles technologies, et cela jusqu’à un âge avancé.
Avec nos esprits enfouis dans nos engins comme des autruches, c’est notre capacité à discerner, à exercer note liberté, notre aptitude à déployer des initiatives qui en prend un coup. Le geste qui sauve est aussi le plus difficile à réaliser pour celui qui est familier des outils technologiques: l’extinction complète du dispositif et la capacité à le faire en pleine liberté. Faisons de cette opération, qui passe habituellement inaperçue, un acte véritable. Exerçons-nous à l’extinction consciente de nos téléphones, de nos tablettes et de nos téléviseurs. Non pas qu’ils soient toujours éteints, mais pour que nous cessions de nous disperser de page en page, de vidéo en vidéo. Imprimons quelques articles qui nous intéressent et lisons-les consciencieusement. Eteignons nos téléphones lorsque nous dormons. Apprenons ensemble à prendre le dessus sur cette vague qui voudrait nous imposer de ne plus pouvoir aspirer à devenir les maîtres de nos volontés.