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Outre les musulmans, les deux autres catégories sollicitées en vain par Rémy Cosandey étaient donc les hommes et les personnalités de droite. Alors, tournons notre regard du côté de Genève… Mais, en amuse-gueule, faisons d’abord un petit détour par le Valais.
Sous la rubrique «la Jeune Garde», Florence Zufferey1 nous confie qu’on doit avoir la peau dure lorsqu’on fait de la politique. Il faut aussi, ajoute-telle, rester calme et sereine lorsqu’on entend des inepties. Et pourtant, elle a frôlé la crise cardiaque de rage durant un débat. Eh oui, malgré une certaine habitude de l’étalage des points de vue conservateurs valaisans, je n’arrive pas à m’habituer, dit-elle, à certaines déclarations absurdes faites la bouche en coeur. Le président du PDCVR nous a expliqué que si l’égalité n’est pas atteinte en Valais, c’est tout simplement parce que les femmes et les hommes sont naturellement différents. Et de poursuivre qu’il serait vain de tenter de le persuader du contraire, qu’à son âge il était trop vieux pour changer d’avis.
Pourtant, poursuit l’auteure de l’article, l’anthropologie et la sociologie expliquent depuis des décennies que les différences entre les genres sont socialement mises en place et ne résultent pas de prédisposition génétique. Il n’y a pas de qualités naturellement féminines qui seraient la douceur, la compréhension, la tendresse et j’en passe. Les femmes dans les entreprises amènent d’autres compétences, c’est tout simplement que leur socialisation, leur éducation et leur parcours ont été différents. Les femmes ne sont ni pires ni meilleures que les hommes, pas plus sympas, plus à l’écoute ou plus prévoyantes, elles sont pareilles!
Bon, ce monsieur, plus tard, ajoute Florence Zufferey, nous a expliqué que de toute façon la politique c’est vraiment chiant, il faut aller dans des réunions tard le soir, lire des rapports, réfléchir, etc., et que du coup les femmes sont mieux à la maison. Là ma fureur s’est mue en un mélange de perplexité et d’ahurissement. Je me suis même demandé si quelqu’un avait mis une substance hallucinogène dans mon verre… mais non, ma voisine m’a tapé sur le bras en haussant les épaules «c’est comme ça».
Que faire alors? Continuer à travailler pour remplacer cette majorité en Valais. La lutte continue!
Nous voici maintenant au bout du lac. Que lira-t-on demain? se demande Lisa Mazzone, conseillère nationale (Verts, GE)2. Il est des jours où l’on se demande, en lisant la presse, si l’on n’est pas en train de rêver éveillé, ou plutôt de poursuivre un mauvais cauchemar. Il en est ainsi des propos tenus par Me Bonnant dans la Tribune de Genève du jeudi 4 février, suite à l’acquisition conjointe d’un appartement par le procureur général Jornot et sa partenaire, elle-même procureure. On y apprend qu’acheter un appartement en PPE, à deux, ne s’apparente en rien à l’établissement durable d’un ménage commun. (…) C’est alors qu’on arrive aux propos du membre du Conseil supérieur de la magistrature, qui nous font recracher d’un jet notre café matinal. Par une réponse à côté du sujet (…), celui-ci parvient non seulement à détourner le débat qui anime le Ministère public, mais il en profite encore pour écorcher au passage celles et ceux qui ne correspondent pas à sa vision surannée et normative: «Le fait que le procureur général aime les femmes est infiniment rassurant, un signe de vitalité et d’équilibre.» Qu’aurait donc affirmé Me Bonnant si M. Jornot avait entretenu une relation avec un homme? Que ce dernier inquiétait par son déséquilibre et sa mollesse? Sans parler du cas où le procureur général serait une procureure générale! (…)
Passons maintenant à une autre personnalité genevoise. (…) Dès que l’on tend un micro à Christian Lüscher (PLR), on est sûr qu’il va dire une sottise, assène Huguette Junod, dans sa chronique féministe à Gauchebdo3. Lors de l’émission «Forum» de lundi 5 octobre sur la RTS, à propos de la représentation des femmes, il parle de leurs «compétences», seul critère valable selon lui, et conclut par l’inutilité des quotas «puisque l’on y arrive sans ça». Le coup des compétences, poursuit la chroniqueuse, on nous le fait à chaque élection. Bon sang, comme si, du côté des hommes, on n’élisait que des hommes compétents! Le problème, c’est que les listes de droite ne leur font pas assez de place. Celles de gauche, qui, en gros, alternent les hommes et les femmes, ont presque autant de représentantes que de représentants au parlement au bout du compte. Il y a donc une relation de cause à effet, contrairement à ce que prétend M. Lüscher, avec cette façon d’affirmer n’importe quoi comme des vérités indéniables (c’est l’absence de doute qui révèle les sots). (…)
Dire que les choses suivent leur cours «naturellement» (comme si la nature avait quelque chose à voir là-dedans!), c’est nier le fait que la représentation des femmes, au lieu d’augmenter progressivement, stagne ou recule. (…) Sans surprise, on constate que ce sont les partis de gauche qui favorisent davantage les femmes, l’UDC étant le dernier de la classe. Mais même à moins de 30% (il faut au minimum 33% pour compter dans les débats et les décisions), la représentation des femmes dérange nombre de machos, ceux que j’appelle «les arriérés du bulbe».
Et c’est là que nous retrouvons notre viril confrère de M. Lüscher… J’ai déjà eu l’occasion, raconte l’écrivaine genevoise, de parler du machisme insane de Me Bonnant, qui vient de se signaler à nouveau. Le 5 septembre dernier à Conthey (VS) s’est tenue la fête annuelle de l’UDC Valais romand, avec Marc Bonnant en tête d’affiche, invité par Oskar Freysinger. L’avocat s’est exprimé sur le thème «Du bonheur d’être de droite». La droite, seule idéologie respectable en politique selon lui. Premier élément: l’homme de droite est, avant tout, un homme, donc pas une femme. L’avocat fait ainsi écho aux propos de Freysinger tenus la veille à la radio. Le politicien avait dit regretter «la disparition de la testostérone» en politique, dont la gauche – cette «mère castratrice» – serait responsable.
Tout au long de son discours, Marc Bonnant reprend à son compte ce rejet du féminin, expliquant à quel point les caractéristiques intrinsèques des femmes (leur douceur, leur convivialité, leur sens du compromis) sont «incompatibles» avec la politique, art de la guerre et de l’affrontement. Selon lui, les femmes devraient retourner à leurs «fonctions sacrales»: piano, enfants et fourneaux, au lieu d’être «magistrateuses» ou «médecinesses». Il finit par avouer «la haine absolue» qu’il porte aux féministes, «ces transsexuelles psychiques». Ce soir-là, par un mélange de références classiques, de mépris des faibles et d’humour douteux, Marc Bonnant a posé les bases de ce que doit être à ses yeux la droite de demain: violente, patriarcale et tournée vers un leader éclairé. En résumé, l’idéologie fasciste…
La conclusion de notre chroniqueuse n’est pas sans rappeler le constat émis par l’écrivaine palestinienne Sahar Khalifa, qui s’interroge sur le pourquoi de la «grande régression qu’ont connue leurs droits (des femmes arabes, réd.) au cours des dernières décennies»4. Sans être aussi extrémistes, beaucoup d’hommes (et, hélas, de femmes) biffent les femmes au sein même de leur parti. La faute à qui? Aux manuels scolaires, qui favorisent les garçons et les hommes aux dépens des filles et des femmes, aux médias, qui ne leur font pas la place qui leur est due et s’intéressent davantage à leur physique ou à leur habillement qu’à leurs idées.
Des séminaires sont organisés ici et là, destinés aux politiciennes de tous les partis, pour travailler sur leur questionnement «En serai-je capable?», alors que les hommes ne se posent jamais cette question. Sollicités pour un débat, les hommes disent oui avant de connaître le sujet, alors que les femmes hésitent ou désignent un homme «qui sera plus capable de répondre». Dramatique.
«Olympe de Gouges, reviens, ils sont devenus fous!»
Fritz Tüller
1. Le Peuple valaisan, 26 mars 2010.
2. Le Courrier, 8 février 2016.
3. Gauchebdo, 15 octobre 2015.
4. Femmes arabes dans le piège des images, Le Monde diplomatique – Août 2015.