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Yasmine Motarjemi, ancien cadre responsable pour la sécurité alimentaire chez Nestlé, est engagée ces temps dans un procès contre son ex-employeur pour harcèlement psychologique. Dans un texte, dont je retranscris ici des extraits, elle fait part de ses réflexions suscitées par son expérience.
Bernard Walter
Je souhaite en préambule soulever trois points concernant la justice et son importance.
Un système judiciaire performant est pour moi aussi essentiel que le système de santé. C'est un des piliers de notre civilisation et des droits de l’homme. Car la paix dans notre cœur et notre esprit passe par la justice. Et inversement, l'injustice crée de la souffrance et mène à la violence. Le but de la justice est de réparer le tort fait aux victimes, mais également de punir les personnes coupables de délits pour éviter leurs répétitions et prévenir les récidives. D'où l'importance d'un bon fonctionnement de la justice.
De plus, si la justice ne fonctionne pas bien, c'est un encouragement pour les malfaiteurs qui voient l’impunité de leurs pratiques. En d’autres termes, un système judiciaire efficace est un moyen de dissuasion. Prenons l'exemple du harcèlement moral en milieu professionnel. Ce phénomène a été longtemps largement ignoré et il semble s'être pour cette raison intégré à la culture de certaines entreprises comme un style de management. Cela va jusqu'au point où les employés eux-mêmes s'en accommodent et le considèrent comme «normal». Lorsque de telles pratiques de harcèlement deviennent une norme de société, on parle, comme l'expert français Christophe Dejours, de «banalisation du mal». Alors il devient très difficile de s'y opposer, et de le dénoncer; c'est l'expérience que je traverse depuis plusieurs années.
L'expérience d’une injustice grave crée chez la victime colère, frustration et mal-être. Dans les cas de harcèlement psychologique, la douleur est indescriptible. Hélas, cette douleur est invisible aux yeux des autres et la victime reste seule et isolée avec son mal.
Les victimes de telles injustices ont trois options:
L'injustice cause beaucoup de souffrance et la souffrance mène à la violence. Le bon exercice de la justice permet à la victime de résoudre pacifiquement de tels épisodes si douloureux.
Toute personne, victime ou malfaiteur, a droit à être défendue et a droit à un procès équitable. Dans l'idéal, le système judiciaire devrait chercher et défendre la vérité en toute circonstance, depuis le début de la procédure jusqu'au jugement final. Il devrait en aller de même pour l'avocat d'un accusé. Tout en défendant les droits de son client, l'avocat ne devrait pas l'aider à couvrir ses agissements délictueux.
Ce ne sont là que les points principaux liés à mon expérience que j'ai soulevés. Les problèmes que j'ai eu à affronter sont multiples. Je n’ai même pas touché le rôle des médias, leur éthique dans la façon dont ils relatent les faits et la perception qu’ils donnent au public.
Si l'on pose toute cette problématique sur un plan très général, on peut bien voir qu'un tel parcours soulève des points de principe cruciaux quant à l'exercice de la justice. Il y a d'un côté les grandes questions de principe. Les lois existent, la justice est représentée avec les yeux bandés, ce qui montre bien son absolue impartialité, le système peut paraître parfait. Et de l'autre côté, il y a la vie, son pragmatisme et ses réalités. Il y a la réalité du rapport de force social, et toutes les réalités humaines qui sous-tendent ce rapport de force. Et, dans un tel contexte, l'individu qui va seul au combat se sent petit.