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La croissance n’est pas la solution mais le problème!
Si tu te crois trop petit pour changer le monde, passe une nuit avec un moustique. – Gandhi
Ça ne sera pas facile, mais ça vaudra la peine. La décroissance n’est pas une menace, c’est une chance. Ça semble au premier abord contradictoire, mais ça ne l’est pas. La décroissance est nécessaire tout simplement parce que la croissance ne peut pas se poursuivre indéfiniment. Que nous le voulions ou pas, il faudra bien réduire un peu l’allure de cette course folle, se montrer un peu plus réalistes et cesser de succomber aux sirènes de cette consommation abrutissante et ahurissante.
Ceci étant précisé, comment transformer la décroissance qui nous sera tôt ou tard imposée en une opportunité plutôt joyeuse? Là est la question. Sans remuer le couteau dans la plaie, prenons l’exemple des «infrastructures» en Suisse. Nous courons désespérément derrière la mobilité, imposée par une économie en totale inadéquation avec la géographie montagneuse de notre pays. Tout le monde sait parfaitement bien qu’il ne sera plus possible d’ajouter des trains aux trains, des voitures au trafic routier. Qu’importe, on continue à nous vendre la croissance du trafic, l’augmentation exponentielle de la mobilité comme un dogme, comme une fatalité inévitable, comme une sorte de condamnation imposée par «l’économie» que rien ne saurait empêcher ni même ralentir. La seule chose qui s’avère certaine, c’est la place à disposition. Je vois mal la Suisse aller guerroyer dans les pays limitrophes pour étendre son territoire. Ne vient-il vraiment à personne l’idée que le télétravail pourrait contribuer fortement à résoudre nombre de problèmes? La mobilité qui sera devenue «obsolète», les crèches que les parlements rechignent à installer, tout en obligeant les femmes à travailler. Nous allons nous retrouver au 22e siècle avec des infrastructures gigantesques et inutiles qu’il faudra, à grands frais, démonter pour réinstaller des capacités agricoles plus «naturelles».
L’avenir est imprédictible et les soi-disant experts se trompent régulièrement avec une constance qui force le respect. En revanche, le manque d’imagination et les blocages intellectuels nous maintiennent dans une vision passéiste, stérile à terme, sans autre espoir que l’avidité financière. L’impéritie flanquée d’un manque de courage politique continuent à imposer la croissance comme le seul salut possible. Une ritournelle rabâchée à longueur de communications, dont chacun devine les funestes conséquences, mais dont personne ne dit haut et fort qu’il faudrait la remplacer par autre chose. Nous n’apprenons pas de nos erreurs et nous nous persuadons avec une étonnante cécité que l’impasse dans laquelle nous nous précipitons n’en n’est pas une!
Il faut appeler au réveil des consciences citoyennes, inventer autre chose que «l’économie», changer de paradigme, mettre l’humain au service de l’humanité et non pas l’asservir pour les bénéfices de trusts financiers. Oh bien sur, j’entends les tenants de la liberté économique hurler à l’idée que l’on puisse seulement penser à limiter la liberté d’entreprendre. Eh bien oui, il faudra bien un jour arrêter de conformer l’humanité à la production industrielle et faire le chemin inverse, c’est-à-dire mettre la production au service de la société. Evidemment, c’est toute une éducation à revoir, tout un système à repenser et ça sera forcément une révolution ou plutôt une évolution «radicale» qui n’ira pas sans quelques douloureuses remises en questions.
L’or de demain, c’est l’eau pour la vie et c’est la terre pour l’agriculture. La planète peut nourrir dix milliards d’êtres humains dit-on, sans monocultures intensives mais avec le génie humain, sans OGM mais avec l’aide du génie génétique, sans engrais plus perturbateurs que nutritifs mais avec l’aide de la chimie et sans atteintes gravissimes à l’environnement mais avec l’aide de la science. Il ne s’agit pas de basculer dans l’écologie, mais de commencer à comprendre la véritable économie. De la mesure et de l’intelligence dans ce que nous faisons seront, à terme, bien plus profitables à l’humanité que cette espèce de béatitude consumériste et aveugle qui commande à l’écrasante majorité de nos entreprises actuelles.
Il ne s’agit pas non plus de prôner je ne sais quel retour vers le passé. Non, il s’agit au contraire de penser une autre réalité, plus moderne, plus adaptée à notre condition. Mais tout a déjà changé. L’évolution démographique nous a fait passer de deux à plus de sept milliards d’individus en 75 ans (La population mondiale a officiellement atteint les 7 milliards d’habitants sur la planète le 31 octobre 2011). Aujourd’hui, l’accroissement ralentit. Mais le rythme est très différent d’un pays à l’autre. Ainsi, à titre d’exemple, la population de la Russie est passée de 120 millions d’habitants en 1960 à 138 millions en 2011. Dans le même temps, la population du Nigéria est passée de 42 à 152 millions d’habitants.
Il se peut que la décroissance ne soit qu’un problème de riches. C’est en partie vrai, mais si c’est le problème aujourd’hui des pays riches, il deviendra très rapidement aussi celui des pays dits émergents. Pourquoi? Simplement parce que la surpopulation des pays «pauvres» va accélérer leurs besoins en même temps qu’elle va pousser leurs populations vers le 45e parallèle nord. Les conséquences seront une désertification humaine des zones «sud» accompagnée d’une raréfaction des ressources agricoles déjà insuffisantes de ces régions. Si en revanche, nous installons rapidement une décroissance dans les pays dits riches, d’une part nous rééquilibrerons de facto les disparités entre pays riches et pays pauvres, et d’autre part nous ralentirons notablement l’exode sud-nord et son cortège d’ingérables conséquences.
Tout indique que nous devrions envisager le plus rapidement possible l’inversion des politiques de croissance au profit d’une décroissance mesurée et volontaire. Il en va de la santé de la population mondiale. Nous sommes au pied du mur, faisons la preuve dès maintenant de notre capacité d’invention. Mais, s’ébahir devant les délires architecturo-financiers, entre autres contempler l’installation de pistes de ski dans les sables des Émirats Arabes Unis, ne me semble pas aller dans la bonne direction. La Chine peut bien louer la moitié de l’Afrique pour garantir son approvisionnement agricole, ça n’est pas pour autant une solution viable à long terme. On m’opposera que ça fait tourner la machine économique, que ça donne du travail et du profit à des entreprises locales – et occidentales – etc., etc. Certes, tout cela est vrai, mais, est-ce adéquat? Est-ce nécessaire? Est-ce profitable à terme? Sacrifier à ce dieu plus financier qu’économique ne nous sauvera pas…
Bien au contraire! Il devient urgent de changer ça, d’être plus intelligents et précéder au lieu de subir. Avec Science, Talent et Imagination, nous disposons de tous les atouts pour y parvenir. Le voulons-nous?