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Octobre 2015
Au pays des paumés
Auteur : Emilie Salamin-Amar

Actuellement, on ne compte pas moins de 60 millions de personnes réfugiées ou déplacées dans le monde. Qu’est-ce qui fait bouger ces populations? Une envie de voyager? De prendre des vacances pour parcourir le monde à pied ou en bateau? Non, ces gens-là ne sont pas des touristes, ni même des aventuriers avides d’émotions fortes. Ce ne sont que des pauvres gens fuyant les guerres ou la misère. Mais, où aller, sinon dans un pays que l’on croit plus accueillant, parce que plus riche. Et puis, n’oublions pas que de ce côté-ci de la Méditerranée, on respecte, paraît-il, les Droits de l’Homme. Alors, considérant que chez eux leur avenir est verrouillé, ils partent sur les chemins qui mènent à un pays européen. D’autres n’hésitent pas à monter à bord de bateaux pourris, prêts à risquer ce qui leur reste de leur pauvre vie en rêvant d’un avenir meilleur.

Hommes, femmes, enfants et adolescents se retrouvent donc sur le chemin du refus. Mais, au moment du départ pour la grande aventure, ils ne le savent pas encore. Souvent, leur famille s’est sacrifiée afin que l’un d’entre eux accède à un des pays d’Eden. Ces pays où coulent le lait et le miel. Maintes fois, ils les ont vu sur leur écran de télévision. Alors, comment résister? Et surtout, pourquoi ne pas tenter leur chance, vu qu’ils n’ont plus rien à perdre. Ils s’en remettent donc à des passeurs maffieux.

Ceux qui parviennent à fouler la terre de nos contrées s’imaginent naïvement qu’ils vont être accueillis à bras ouverts. L’Europe n’est-elle pas une terre d’accueil, de partage, de solidarité et d’entraide? Une Europe sociale, comparativement aux pays d’où ils viennent. Rien de pire ne peut leur arriver, puisqu’ils se considèrent comme déjà morts. Ils partent de l’idée que ce qui les attend, ce ne peut être que du bonheur, du bien-être, de la richesse. Alors ils rêvent, ballottés sur ces coquilles de noix, la peur au ventre, celle de se noyer, car bien souvent les réfugiés ne savent pas nager. Le ventre vide, les yeux hagards, serrés les uns contre les autres, leur esprit divague, comme ces embarcations fantômes agitées par la houle. Dans le noir, entre ciel et mer, ils guettent tous le bruit d’un moteur de paquebot qui, espèrent-ils, viendra les sauver.

Et c’est là que l’histoire de ces pauvres gens devient tragique. Ici, en Occident, on n’en veut pas, ou si peu! On les parque comme des bêtes dans des camps de transit avant d’être expulsés vers leur pays d’origine. Certains d’entre eux auront toutefois la chance d’obtenir l’asile politique. Et les autres? Les centaines de milliers d’autres, que deviennent-ils? Ils errent de pays en pays, espérant trouver un petit boulot au noir. Pour se nourrir, certains font les poubelles, dorment dans des bois, sous des ponts, abrités sous des tentes faites de feuilles de plastique et de carton. Ils sont aidés souvent par des associations caritatives qui dénoncent haut et fort ce genre de campements sauvages, inhumains.

Pendant ce temps-là, les hauts dirigeants des pays occidentaux s’interrogent. Que peuvent-ils faire devant cette «invasion» de requérants d’asile? Une idée géniale leur vient à l’esprit: nous allons instaurer des quotas. Au marché aux bestiaux du Parlement européen, on discute. Qui prendra qui? Et combien? Voulez-vous des Turcs, des Syriens, des Iraquiens, des Libyens? Préférez-vous des chrétiens, ou un petit mélange avec des musulmans? Alors qu’ils débattent de la chose sans arriver à se mettre d’accord, les réfugiés clandestins ou pas continuent d’arriver. Et ce n’est que le début d’une grande migration humaine. Il y a urgence de statuer, d’ouvrir nos frontières, mettre en place des structures d’accueil dignes de ce nom. C’est juste une question d’humanité. Sinon, quelle solution s’offre à nous? Monter des murs? Installer des barbelés électrifiés pour les empêcher de rentrer sur notre territoire? Installer des miradors? Déployer l’armée à nos frontières? Ou alors, allons-nous les déporter sur une île inhabitée, ou une région désertique, en attendant la fin des différents conflits? Ce serait une idée machiavélique… on l’appellerait: le pays des Paumés. J'espère qu’aucun gouvernement ne pensera à cette solution!

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