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Le peuple suisse a manifesté sa crainte en votant oui le 9 février 2014 à l’initiative «contre la migration de masse». La crainte de ne pas arriver à endiguer le flux migratoire qu’il semble percevoir à travers l’accroissement de sa population depuis une dizaine d’année. La moyenne d’accroissement annuel durant ce laps de temps est d’environ 1%.
Le rôle du politicien est d’entendre la peur de la population. Mais notre rôle c’est également de donner des éléments objectifs pour après choisir une option politique et une vision de la Suisse. Que voulons-nous pour notre pays? Une politique migratoire accompagnée et dynamique ou une politique mortifère.
La migration a trop souvent été présentée comme une invasion d’étrangers voulant profiter de notre richesse, sans rien donner en retour. Or, force est de constater que la migration n’est pas un phénomène isolé, un mouvement sans contexte. Si elle n’est pas provoquée par les conflits ou des régimes dictatoriaux déplaçant ainsi des peuples entiers, elle est intrinsèquement liée à l’économie.
Lorsqu’une économie est florissante, elle attire de la main-d’œuvre, que celle-ci soit peu qualifiée, spécialisée ou extrêmement qualifiée. Le dynamisme de plusieurs régions helvétiques a attiré des travailleurs. Et pour la plupart, pour paraphraser Max Frisch, ce ne sont pas que des bras qui sont arrivés. Mais des hommes et des femmes avec leurs enfants. C’est ce qui dérange aujourd’hui une frange de la classe politique et peut-être de la population qui souhaiterait revoir instaurer le phénomène des saisonniers qui viendraient sans leur famille. Avec l’impossibilité pour eux de s’intégrer. Cela déchargerait ainsi nos infrastructures puisque il y aurait moins d’enfants à l’école, nos assurances puisque il y aurait moins de congé maternité à couvrir, etc.
Ce souhait, au-delà du volet humain, est un faux calcul car, chiffres démographiques obligent, ce sont les enfants des étrangers qui paieront les AVS de demain. Plusieurs corps de métiers vont cruellement manquer de personnel. Que cela soit dans le domaine soignant ou des ingénieurs. Et d’un point de vue de la cohésion sociale, il est certain qu’une personne s’intègre mieux dans une société lorsqu’elle est entourée de sa famille, car celle-ci a un effet de stabilisation. La richesse de la Suisse sociale et économique ne peut pas se faire sans les étrangers et leur famille.
Par contre, la discussion sur quel type de croissance économique nous voulons est vrai débat. Personnellement j’ai toujours été d’avis que le «combien» importait peu. Mais c’est le «comment» qui compte. Autrement dit, ce qui compte ce n’est pas combien d’étrangers nous accueillons mais comment nous les accueillons. Avec quel accompagnement pour lutter par exemple contre le dumping salarial ou les loyers inabordables. Derrière chaque employé se trouve un patron. Derrière chaque prix de loyer se trouve un promoteur immobilier. C’est eux qui ont la responsabilité d’accompagner la migration pour qu’elle ne péjore pas la vie des résidents en Suisse en mettant les travailleurs ou les locataires en concurrence déloyale qui plus est. C’est aux politiciens de mettre le cadre légal pour accompagner tout cela.
C’est pour cela qu’en mai dernier, le groupe socialiste aux Chambre a déposé un «bouquet» d’interventions demandant une valorisation des ressources internes. Nous avons proposé des mesures qui vont de la formation des chômeurs, en passant par des mesures d’accompagnement pour que les femmes qui ont élevés leurs enfants puissent réintégrer le marché du travail jusqu’à des mesures pour des loyers abordables. En d’autres termes ce n’est pas la migration qui est mauvaise pour la Suisse. Mais il faut être attentif à la manière dont on l’accompagne.
Dans la thématique du combien et du comment s’insère bien sûr toute la discussion de la croissance. Autrement dit, ce n’est pas le taux de pouvoir d’achat qui compte. Mais comment est répartie cette croissance. Force est de constater qu’il existe aujourd’hui une captation des richesses aux mains de quelques-uns qui est effrayante. Ainsi, en Suisse, le 1% le plus aisé possède le 59% de la fortune accumulée. Cela devrait nous interroger tous, de droite à gauche, sur les risques économiques et démocratiques d’une telle accumulation de fortune.
Pour finir ce chapitre de la migration économique, je voudrais dire que le problème qui réside aujourd’hui est plutôt la sévérité de notre loi sur les étrangers qui dans les faits rend impossible le travail à des non européens. Ce qui provoque des migrants économiques dans la filière de l’asile, seule possibilité restante pour les migrants de la faim extra européens. Je reste persuadée quant à moi qu’il faut casser cette Europe forteresse. Pour chaque permis de travail, il faut un permis de séjour. Indépendamment du lieu d’origine de la personne.
Pour parler de cette Europe forteresse permettez-moi de conclure avec un cri du cœur… Mais quelle est cette Europe qui dresse des murs et envoie son armée bastonner des migrants qui ont déjà eu leur dose de bombes, de peur, de destruction, de mort dans leur pays d’origine. Quelle est cette Europe qui face à la souffrance de peuples entiers leur disent: dégagez! Retournez à vos cimetières ou continuez à errez. Ne vous approchez pas de nous. De notre quiétude, de notre confort, de notre train-train.
Quelle est cette Europe ravagée humainement qui pense qu’accueillir déjà et seulement 140.000 réfugiés syriens sur une population de 500 millions d’Européens, c’est être envahi?
Quelle est cette Europe où à cause des réseaux sociaux, être politiquement incorrect signifie purement et simplement être xénophobe, raciste, islamophobe, anti-sémite. Et que tout cela ne soit plus punissable. Quelle est cette Europe où pour un politicien il n’est plus possible de parler simplement des êtres humains sans être taxé de bisnounours. Comme si l’être humain n’avait plus de valeur en soi…
Ada Marra
conseillère nationale socialiste, Lausanne