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Les échanges commerciaux entre les peuples et les nations ont jalonné l’histoire. Ils ont été l’occasion de rencontres et de découvertes d’autres civilisations, parfois il en a résulté des guerres, des massacres, la colonisation et l’asservissement de peuples par d’autres.
Au début du 3e siècle avant J.-C., la route de la soie est ouverte entre la Chine et Antioche. Elle sera parcourue par des marchands pendant près d’un millénaire. Depuis lors les échanges internationaux se sont développés. Au Moyen Age, des Ligues marchandes se créent, des ports s’ouvrent sur la mer et le transport des marchandises s’effectue à travers toute l’Europe.
À partir de 1492, année où Christophe Colomb débarque aux Antilles, alors qu’il croyait atteindre l’Asie des épices, le commerce maritime à travers les continents prend son essor. Progressivement, l’Europe conquiert le monde et installe ses colonies aux quatre coins de la planète. Les échanges commerciaux entre pays et continents continuent de se développer jusqu’au 20e siècle.
Dès le début des années 1950 jusqu’à nos jours, les accords de libre échange ont continué de croître à une vitesse impressionnante. Si, en soi, le libre échange est positif puisqu’il permet d’ouvrir des relations entre les peuples, il a pris depuis quelques décennies un tournant inquiétant. Car dès la fin des années 1970, les institutions qui fixent le cadre du commerce mondial s’intègrent parfaitement dans le système de pensée libérale, donc du capitalisme.
L’influence de David Riccardo
En 1817, l’économiste anglais David Riccardo publie «Des principes de l’économie politique et de l’impôt». Il y développe entre autre sa théorie des avantages comparatifs qui sera très rapidement mise en œuvre par les tenants du libre échange et deviendra le credo officiel de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Pour cet économiste, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans les domaines où il est le plus doué ou dans les productions agricoles qui conviennent le mieux à sa situation géographique et climatique.
On a ainsi décidé que tel pays était plus à même de produire du café, un autre du coton, un autre encore des arachides. C’était la porte ouverte à la monoculture avec à la clé la disparition de beaucoup de cultures vivrières indispensables pour maintenir une autonomie alimentaire. On a assisté au démantèlement de la petite paysannerie en l’expropriant de ses terres et à la paupérisation du plus grand nombre. Ces pays se sont vus alors obligés d’importer un grand nombre de biens de consommation en échange de leurs produits agricoles soumis à la loi du marché.
Cette spécialisation les a rendus beaucoup plus dépendants des entreprises des pays industrialisés. Ces dernières ont réalisé des bénéfices utilisés pour se développer davantage et rétribuer le capital, c’est-à-dire les actionnaires pendant que les pays exportateurs de produits agricoles et de matières premières s’appauvrissaient et s’endettaient pour s’approvisionner en produits manufacturés et en biens de consommation, les termes de l’échange se dégradant de plus en plus. Cela signifie qu’il faut produire toujours plus de matières premières pour obtenir la même quantité de biens manufacturés. Et ce mécanisme se poursuit toujours aujourd’hui.
L’entreprise au centre des rapports sociaux
Dans le monde, le commerce international est resté jusqu’à la fin des années 1970 sous le contrôle des Etats qui réglaient les différents flux d’importations et d’exportations grâce à des barrières douanières ou tarifaires. Mais dès cette époque, comme le souligne Pierre Rimbert dans Manière de voir, n° 141: «L’extension des chaînes d’approvisionnement d’un bout à l’autre du globe, la mise en concurrence des travailleurs par l’abaissement des tarifs douaniers, l’assujettissement des souverainetés populaires encore balbutiantes à des institutions ostensiblement indifférentes à la démocratie ont fait du libre échange un projet de civilisation.» Ainsi, l’entreprise se retrouve au centre des rapports sociaux et progressivement prend le pas sur les institutions étatiques. Tout ce processus a abouti à la délocalisation des entreprises afin de confier la production à des travailleurs moins payés et dont les protections sociales sont faibles, voire nulles. La roue continue de tourner car les travailleurs d’Asie seront remplacés par d’autres en Afrique, par exemple, où les conditions de travail sont encore plus précaires.
Dans l’état actuel des choses, avec la mise en place du grand marché transatlantique les Etats cèdent leurs prérogatives aux entreprises. Ces dernières, par avocats et juristes interposés, ont recours à des tribunaux d’arbitrage afin de poursuivre des pays qui auraient osé augmenter les salaires minimaux. Le pouvoir passe ainsi des Etats aux sociétés transnationales. Et le capitalisme triomphe…