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Le monde va très mal et je comprends ceux qui pensent que c'est trop tard, que tout est perdu et que nous allons « droit dans le mur ». Ils n'ont pas tort, hélas, mais ce n'est pas une raison pour baisser les bras. Si nous ne faisons rien, nous sommes en un certain sens complices de ceux qui ont lancé l'humanité sur cette voie fatale. Faisons donc tout ce que nous pouvons, sans trop d'illusions. Que notre réaction ne soit pas l'énergie du désespoir, mais celle des espoirs malgré tout. Maintenons vivante l'espérance, sans laquelle plus rien n'a de sens. N'oublions que demain n'est pas encore écrit !
L'État, les États, représentent l'ultime barrière, la dernière structure capable de maintenir une certaine cohérence sur notre Planète. Le « moins d'État » réclamé de part et d'autre correspondrait à la faillite définitive des efforts réalisés depuis quelques millénaires pour organiser les humains entre eux, améliorer leur sort, forger une culture visant à garantir, à tous et à chacun, un avenir satisfaisant. Supprimez les États, et la « mondialisation », telle qu'elle fonctionne aujourd'hui, ne sera plus qu'un vaste chaos livré à la recherche du profit individuel; les écarts tragiques augmenteront encore, entre puissants et faibles, riches et pauvres, privilégiés et défavorisés. Création humaine, le système des États est loin d'être parfait, certes, mais il fonctionne, dans un monde où « tout se déglingue ».
Les seuls vrais États sont les états-nations. Les diverses tentatives de créer des États plus vastes, des unions d'États, ont échoué. L'Europe est en train de démontrer qu'elle ne sera jamais un État, alors que les États-Unis laissent voir le danger qui menace les assemblages d'une telle taille, danger qui a mis brutalement fin au pendant eurasien des E.-U., l'URSS. Quoi qu'il en soit, le seul découpage tant soit peu cohérent et efficace est celui des États, que les Nations-Unies reconnaissent et utilisent – bien ou mal, selon les cas, mais c'est une autre question.
La Confédération helvétique se caractérise par la prise en compte des deux termes qui figurent dans sa devise, « un » et « tous », et cela à tous les étages: individu/commune, individu/canton, individu/pays, commune/canton, commune/pays, cantons/pays. Si l'on tient compte des données de départ, des divisions entre langues, entre religions, entre campagne et cité, entre plaine et montagne, on ne peut qu'admirer la façon dont ce système a surmonté les obstacles. Vouloir le modifier maintenant, au nom du changement pour le changement, serait suicidaire; le considérer comme intangible serait conservatisme aveugle.
(J'avoue, en passant, que je suis heureux que ma commune, Cortaillod, ne soit pas parvenue à se fondre, avec Bevaix et Boudry, dans une Commune de Pontareuse, pour laquelle pourtant j'avais voté. La collaboration étroite entre communes distinctes est tout aussi efficace que leur union, alors que le contact entre le citoyen et son autorité directe souffrirait d'une fusion. Cela peut changer d'un cas à l'autre. Originaire jadis de Couvet, je ne me sens pas offensé de dépendre maintenant du Val-de-Travers).
L'important, me semble-t-il, est de chercher ce qui peut et ce qui doit être modifié, au niveau communal, cantonal et fédéral. Si je commence par la possibilité d'un changement, c'est pour rappeler que notre marge de manœuvre est très restreinte. Elle est déjà limitée par la structure dont je viens de parler; l'autonomie d'une commune, par exemple, est limitée par les lois, les règlements et les vues à long terme du Canton et de l'État fédéral. Mais nous dépendons d'autres cadres contraignants, de divers genres. Nous faisons partie de l'ONU, de l'Europe, sous certains angles, de l'Occident même, sous d'autres angles, nous avons des traités qui nous lient à un grand nombre de pays étrangers, avec entre autres celui, tout récent et pas encore en vigueur, de « libre échange » avec la Chine et dont les conséquences sont impossibles à prévoir.
Plus grave encore est le danger que représentent les grands groupes de pression, plus ou moins bien connus, organisations transnationales, consortiums, lobbies de tout genre, ceux que j'aime appeler les «décideurs de l'ombre», qui nous manipulent sans scrupules, en grande partie à travers les moyens de communication qu'ils possèdent ou qu'ils contrôlent, ceux qui s'ingénient à créer de faux besoins et des désirs artificiels. C'est certainement là que se situe le cancer qui nous ronge, notre ennemi le plus insidieux en même temps que le plus puissant. Pourtant… ne baissons pas les bras, gardons l'espérance, puisque demain n'est pas encore écrit…
Non, cela ne doit pas nous empêcher de jeter un regard chez nous, pour mettre en relief certains points sur lesquels tout citoyen a une chance d'exercer une influence, si modeste soit-elle.
Le plus important… (par la suite, je ne suivrai aucun ordre significatif dans l'énumération des autres suggestions). Je tenais pourtant à commencer par la défense de l'État. Ne succombons pas à la triste mode de mettre la faute sur lui, sur « eux », sur les autres, de savoir mieux que lui ce que l'État devrait faire. N'oublions pas la complexité de tous les problèmes, reconnaissons le courage qu'il faut pour s'engager dans les organes de gouvernement. Soyons vigilants, certes, signalons les erreurs que nous croyons repérer, mais cherchons à aider ceux qui nous dirigent plutôt que de les critiquer ou de leur mettre le bâton dans les roues.
Ayant eu récemment un problème avec la Poste, j'ai été amené à mieux découvrir le degré d'informatisation de ses services. L'ordinateur effectue quantité de travaux, tout au long de la chaîne qui va de la livraison au guichet d'une lettre ou d'un paquet à son arrivée chez le destinataire. Ces traitements électroniques sont évidemment très rapides, et mobilisent peu de personnel. Mais… mais ils ne sont pas aussi fiables qu'on le croit, et leurs « bugs » sont souvent lourds de conséquences. La main-d'œuvre humaine coûtait peut-être cher, trop cher, mais je suppose que la disparition d'un poste de travail coûte aussi trop cher à la collectivité. Le remplacement de l'homme par l'ordinateur, me dira-t-on, crée d'autres emplois, dans la recherche et la réalisation de nouveaux appareils plus performants. Mais —d'une part— cela reste à démontrer et —d'autre part— cela diminue grandement le contact humain direct, si nécessaire à l'équilibre psychique.
Les dépenses somptuaires et/ou somptueuses (le lexique à ce sujet est en train d'évoluer) dans les édifices publics me gênent beaucoup. Elles se situent dans une dangereuse compétition entre l'officiel et le privé; banques, magasins, gares, hôpitaux, théâtres, hôtels et autres feraient mieux de rivaliser quant à la qualité des services qu'ils rendent que sur le luxe de leurs installations.
Puisque nous sommes dans le domaine des dépenses, je ne peux pas m'abstenir de mentionner celles qui concernent l'armée, l'armement. Je me contente de ce rappel, tant le phénomène en soi est scandaleux, énorme et évident, au niveau national et, plus encore, mondial.
J'arrête là mes ébauches de dénonciation. Il y autre chose à changer, dans notre comportement, individuel et collectif. Nous avons (presque) tous tendance à nous reposer sur l'État (à un niveau ou à un autre), ou sur un « autrui » problématique, pour remplir certaines tâches que nous pourrions accomplir nous-mêmes. Je me contenterai d'un exemple, observé il y a peu: un automobiliste s'arrête en pleine campagne, met ses feux de danger, sort de sa voiture et saisit une pierre d'un kilo ou deux (que je n'avais pas repérée…) à quarante centimètres environ de bord de la route et la dépose bien en retrait. Bon, ce n'est qu'une anecdote… Ce que nous devrions chercher, individuellement ou par (petits) groupes, c'est une participation plus active, créative, à la vie collective (de la maison, du quartier, de la ville, du canton, du pays).