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Née en France en plein milieu de la Seconde Guerre mondiale, je suis arrivée en Suisse en 1966. Sans parler allemand. Un schéma bien installé: l'allemand est la langue des ennemis et pour ancrer cette idée, les films que j'avais pu voir résumaient la culture allemande à des soldats aboyant dans une langue mortelle «Schnell, schnell!». Donc blocage. A tel point que mon oreille était incapable de saisir une seule syllabe de cette langue, la reproduire était encore plus impensable.
Puis, il y eut la rencontre de Suisses et Suissesses de langue allemande, des liens précieux d'amitié, au sein d'une activité commune.
Quelque chose s'est assoupli, permettant à la curiosité de montrer le bout du nez. J'ai commencé d'avoir envie d'apprendre. Je suis très lente, je ne sais pas si un jour je me débrouillerai un peu avec cette langue. Ce que je sais, c'est que j'ai un plaisir immense à prononcer des mots, à en reconnaître d'autres. Les vibrations de l'allemand atteignent des zones endormies.
Une langue sculpte la personne. Une langue mobilise une catégorie de muscles spécifiques. Apprendre une nouvelle langue a un aspect très physique. Un aspect vibratoire comme le chant. Je ne peux que citer François Cheng, de langue maternelle chinoise et membre de l'Académie française: «Plus qu'une affaire de mémoire, on doit mobiliser son corps, son esprit, toute sa capacité de compréhension et d'imagination, puisqu'on apprend non un ensemble de mots et de règles, mais une manière de sentir, de percevoir, de raisonner, de déraisonner, de jurer, de prier et, finalement, d'être.»
Pour l'instant, je ne fais que soupçonner l'existence d'un nouvel univers mais j'en suis déjà satisfaite.