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Juin 2009
Le déchet, une erreur rédhibitoire…
Auteur : Pierre Lehmann


Le déchet est une invention humaine. La nature ne connaît pas le déchet puisque toute matière organique, quel que soit son état, participe toujours à un cycle fermé qui permet aux éléments d'être utilisés puis remis à disposition dans un mouvement quasi perpétuel à l'échelle de la vie humaine. Le déchet organique est un oxymore, une contradiction dans les termes. Comme d'ailleurs le développement durable.

Est donc déchet ce qui ne peu pas être recyclé. Votre caca n'est pas un déchet, mais un appareil hors d'usage en est un. Cet appareil peut bien sûr être démonté et une partie de ses constituants réutilisés (écologie industrielle). Mais cela demande de l'énergie et génère d'autres déchets. On ne résout donc pas le problème à long terme, même si cette activité reste souhaitable par la réduction des flux de matière qui en résulte.

La définition du déchet ci-dessus est en contradiction flagrante avec la définition économique qui considère comme déchet ce qui n'a plus de valeur marchande. Ce conflit de définition est très significatif et illustre bien l'incompatibilité du fonctionnement de la vie avec celui du système économique. A terme, il faudra bien que l'économie se soumette aux lois de la vie, ce qui signifie, entre autres, que la production de déchets – au sens du vivant – soit sinon totalement bannie, mais en tout cas fortement réduite par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui. Mais il faut bien voir que nous n'en prenons pas  le chemin.

La production de déchets provoquée par les activités humaines a atteint une dimension inquiétante et finira par condamner la civilisation économico-industrielle si rien n'est entrepris pour la stopper. Malheureusement la gestion des déchets est devenue une activité économique à part entière qui a justifié de gros investissements dans des équipements spécialisés: usines d'incinération des ordures, stations d'épuration des eaux, lavage de fumées, véhicules spéciaux pour le transport des ordures, etc. De plus, cette gestion fournit des places de travail. Bref, dans la logique économique, la production de déchets est considérée comme désirable et doit continuer et si possible augmenter encore. Cette logique stimule aussi la course à l'obsolescence, ce qui amplifie la production de déchets industriels et d'appareils invendables parce que dépassés par d'autres plus modernes. La production et la gestion des déchets sont une activité économique nécessaire pour maintenir la croissance.

Pourtant, la poursuite de cette croissance nous mène droit dans un cul de sac. Les méthodes pour gérer les déchets ne font que déplacer les problèmes. Par exemple l'incinération des ordures avec son lavage de fumée produit des mâchefers et des résidus toxiques qu'il faut mettre dans des déponies pour déchets spéciaux, déponies qui finiront bien part se remplir. Et après? On a même vu naître une sorte de tourisme des déchets qui consiste à les exporter et les débarrasser moyennant finance dans des pays pas trop regardants. Cela est moralement inacceptable et ne pourra de toute façon pas continuer très longtemps.

L'épuration des eaux produit des boues toxiques qu'on ne peut pas retourner dans le sol bien qu'elles contiennent une matière organique précieuse. Alors on les composte tant bien que mal pour ensuite les incinérer. L'ensemble de ces activités ne fait que balayer la poussière sous le tapis et fait croire au citoyen qu'on a résolu le problème. Pour que cela change, il faudrait que le citoyen soit incommodé part les déchets qu'il produit, ce qui implique, à mon avis, de réduire progressivement la collecte des déchets tout en proposant des mesures pour en réduire la production. Les possibilités ne manquent pas.

Finalement, il faut aussi évoquer les déchets radioactifs dus à l'énergie nucléaire, qui est probablement la plus énorme des aberrations qui ont vu le jour au 20e siècle. Elle génère des substances que la nature ne connaît pas – en particulier du plutonium – et qu'elle ne peut par conséquent pas prendre en charge. Les déchets radioactifs, constitués de produits de fission et de transuraniens, vont rester un cauchemar pour l'humanité pendant des millénaires. Et tout cela pour produire une énergie dont personne n'avait vraiment besoin.

De ne pas produire des déchets devrait faire partie de la culture des peuples.

 


6775 tonnes de déchets sont évacués par le service de préparation des trains chaque année (l'équivalent de 900 éléphants d'Afrique!).

 

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