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Février 2008
La non-violence implique la compréhension de la violence
Auteur : Curt Walther

Le concept et l’attitude de non-violence prônés par de nombreux penseurs et hommes d’action tels Gandhi, Albert Schweizer, Martin Luther King pour n’en citer que les plus connus, implique d’abord la connaissance de notre agressivité instinctuelle. Les autres formes de violence, par exemple les incivilités de certains adolescents ou même de jeunes enfants, la violence gratuite mais aussi la sauvagerie de la guerre et du terrorisme, doivent nous inciter à la réflexion et à la vigilance.

Le 10e anniversaire de la «Consultation Interdisciplinaire de Médecine et de Prévention de la Violence» – CIMPV – a été célébré à l’hôpital cantonal de Genève le 10 janvier 2008. Le professeur Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, était l’invité pour marquer cette soirée consacrée à l’étude socioculturelle et neuropsychologique de cette réalité ubiquitaire qu’est la violence à travers l’histoire de l’humanité. Il faut rappeler que le Dr Cyrulnik est un des auteurs qui a créé le terme de résilience; c’est la capacité à triompher d’énormes épreuves et de se développer en dépit de l’adversité. Cyrulnik est lui-même un résilient et il a publié de nombreux ouvrages sur cette question.

Quel est le but de cette consultation spécialisée implantée au sein du Département de médecine communautaire des Hôpitaux universitaires de Genève? Elle s’adresse à toute personne victime de violence, qu’elle soit physique, psychologique ou économique. L’exemple le plus frappant et aussi le plus fréquent est la violence conjugale. L’objectif de la CIMPV est de venir en aide aux victimes mais également aux auteurs, de diminuer l’effet des violences sur la santé physique et psychique et d’en prévenir la survenue par une approche interdisciplinaire.

Tout récemment, un peu avant la fin de l’année passée, j’ai été témoin de l’impact psychologique de la violence chez un de mes petits-fils âgé de bientôt six ans. De retour d’une fête à l’école, l’enfant fait soudainement irruption dans l’appartement des parents en criant et pleurant. Il parvint à raconter: «J’ai été plaqué à terre par un gamin qui s’est jeté sur moi et m’a serré très fort au cou». Heureusement je n’ai pas noté de marque notable sur la gorge de l’enfant mais l’angoisse causée par cet acte brutal a persisté pendant plusieurs jours. Le plus incroyable est le fait que l’intervention auprès des parents de ce gamin accroc à la télévision a débouché sur une dénégation et l’impossibilité d’établir un dialogue…

Bien sûr, l’agressivité des élèves dans les cours de récréation a toujours existé; mais les formes qu’a prise cette violence changent. L’éducation implique aussi de savoir réprimer des faits plus graves avec du discernement et de la détermination. Fixer des limites, des repères à un jeune sujet, c’est le respecter, «c’est lui éviter qu’il ne se perde et qu’il n’aille à sa perte» comme l’exprime l’éducateur Pierre-André Doudin.

Quelle est la différence entre l’agressivité et la violence? Selon Boris Cyrulnik, l’agressivité est une puissance de combativité inscrite dans la nature humaine – une pulsion selon Freud – tandis que la violence froide est l’usage aveugle de la force pour détruire l’autre. L’agressivité, cette caractéristique de notre inconscient, permet à l’homme d’affirmer le soi, de se battre contre l’adversité de la vie et par exemple de mener des luttes sociales face aux injustices flagrantes de notre monde. La violence froide est une perversion selon le psychiatre. L’individu malade désire éliminer l’autre, le «non-soi», car la représentation même d’un autre que soi lui est impossible.

A partir de ces définitions et de multiples constats expérimentaux sur l’animal et l’homme pour illustrer la psychopathologie de la violence, le conférencier a brièvement abordé le sujet de l’empathie. Selon la définition du dictionnaire, l’empathie est la faculté de ressentir ce que l’autre ressent. Mais comment développer un altruisme véritable?

De nombreux psychologues ont émis l’opinion que l’homme est fondamentalement égocentrique et que toute action est basée sur son intérêt personnel. Contrairement à ce qu’affirment ces spécialistes, il existe heureusement des êtres humains qui manifestent de l’intérêt pour les autres, de l’empathie, de la non-violence.

Il me semble que le propre de l’intelligence est de remédier à la violence, par la raison et le coeur. Le philosophe Comte-Sponville l’a bien exprimé: «L’homme est susceptible de s’ouvrir à la souffrance de l’autre, de ses semblables mais aussi des bêtes; le respect de la nature fait également partie de sa culture».

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