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Centième anniversaire 2005
Avant-propos
Auteur : Louis-Albert Zbinden
Né au Locle et issu d’une famille horlogère, Louis-Albert Zbinden est diplômé de l’Université de Genève. Il a exercé sa profession de journaliste en Suisse et en France. Il a été correspondant à Paris de la Radio suisse romande (il est notamment l’auteur des célèbres chroniques «Le Regard et la Parole», de la Gazette de Lausanne et de la Tribune de Genève. Il a publié de nombreux livres, essais, chroniques et romans.

Les anniversaires sont des indulgences. Profitez-en. Vous avez droit à l’éloge, vos invités à l’effusion. Mémoire et projets. Les anniversaires autorisent l’indiscrétion et la franchise. Un partage. Vous connaissant peu, cela me réduit à dire ce que vous me semblez être. Selon le rôle que la société vous assigne, selon l’idée que je me fais d’une presse d’opinion dans un pays qui, au regard de la démocratie et des droits de l’homme, se croit aussi au-dessus de tout soupçon. Faisons connaissance. Qui donc êtes-vous? Qu’est-ce qui vaut qu’on s’intéresse à vous? Quelle est votre justification parmi les hommes? D’où venez-vous? Où allez-vous? Que voulez-vous? Y a-t-il une trace derrière vous? Une piste devant? Où sont vos œuvres, vos actes, vos monuments? Cent ans c’est long. Que signifie cette fidélité, j’allais dire cet entêtement dans la vertu? Voulez-vous changer le monde? Voulez-vous, après tant de gâcheurs d’argile, changer l’homme et la vie?

Je ne vous saluerai pas sans savoir à qui j’ai affaire. Prophètes? Révolutionnaires? Ne vous récriez pas. Ces titres ne sont pas pour me déplaire. Au contraire. Ce sont des hommes de cette sorte qui manquent à notre pays, à la Suisse couarde et croupie, des individus réflexifs, lucides, novateurs, courageux, des gens qui, retournant contre Monsieur Blocher ses armes de «neinsager», refusent l’image rabougrie que livre de la Suisse ce tribun xénophobe, ravageur de nos meilleures traditions.

François Mitterand disait: «Il faut être économe de son mépris et généreux de son estime». Mais Cicéron disait aussi: «Soyez prudents. Avant de donner votre confiance à une personne, assurez-vous qu’elle le mérite».

Alors à vous gens de l’Essor je dirai: faites-vous connaître. Montrez-vous, soyez visibles. Rejoignez ceux qui vous ressemblent. Seuls vous êtes peu, ensemble vous êtes forts. Vous êtes propres, soyez brillants. A la vérité, à la solidarité, il est temps de faire la place qu’elles méritent, et qu’on en finisse avec ce paradoxe de se consacrer au bien de la société et d’en demeurer inconnu, dans sa marge. Montrez-vous, sortez, faites des cortèges, chantez, faites du bruit. Contre les aliénations et les iniquités, les casseroles valent mieux que le silence. Ou alors que le silence soit sonore comme à Taizé. Il faut parler à l’oreille des hommes, comme faisait le Frère Roger, cet homme de bonté qui, pendant deux tiers de siècle, a travaillé à rapprocher les chrétiens, car sans leur unité, disait-il, ils ne sont pas crédibles.

Les anniversaires, c’est aussi le moment des vœux. Il y a une douzaine d’années, pour l’anniversaire de l’Office fédéral pour la science, Berne m’avait invité avec quelques autres orateurs. J’avais alors lancé l’idée d’un Institut fédéral consacré à l’étude scientifique de la paix entre les peuples. On m’a applaudi, mais rien n’a suivi. Il y a en Suisse une grande capacité de silence pour étouffer ce qui dérange, innove et s’écarte de la ligne.

À leur tour, aux dirigeants de l’Essor, je souhaiterais de réfléchir à la création d’un organisme du même genre, un poste de vigilance et de secours, voué à la prévention et à la résolution des conflits, mais entre les personnes, ou entre les personnes et les pouvoirs publics.

Récemment, pour avoir dénoncé un abus de pouvoir administratif, un habitant d’une commune neuchâteloise s’est attiré l’irritation de l’exécutif, suivie d’humiliation qui, avec l’aide de la presse, l’ont mis au ban de la cité. Et quand il a voulu protester de son honnêteté, on ne l’a pas entendu. Je connais cet homme blessé. Il est encore debout, mais avec une canne, et il réclame justice. Sa ville l’a chassé. Il avait 82 ans.

n’était pas rassurant. Le grand écrivain s’accusait, lui et les intellectuels de sa génération, d’avoir trahi leur mission de culture et d’humanisme. Alors Bernanos nous a fait promettre que nous résisterions au malheur, aux violences, nous autres émoulus des facultés et des technicums, là où il avait cédé, et nous le lui avons promis.

«La résistance, disait Bernanos, commence à la première imposture. Dénoncez-la, sinon vous en êtes complices!» Nous avons été quelques-uns à nous engager dans cette voie hasardeuse, difficile, où nos faiblesses, nos lâchetés ont ponctué une résolution qui, chez moi, se ranime à votre contact. C’est à vous à présent que Bernanos s’adresse et passe le témoin.

À Bruxelles, les «bilatérales» cherchent à établir la libre circulation des personnes en Europe. Ouvrez ici la bilatérale de la libre circulation de la vérité et de la justice entre les personnes.

Dans la rue de Boutiques obscures, soyez une permanence éclairée. Le monde a besoin de lumière, le monde a besoin de vous.

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